«Rei éprouva comme une brûlure d'estomac, une chaleur acide, à la fois intense et diffuse, qui vous monte à la gorge. Un énorme bloc d'émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l'effet de cette chaleur intérieure dormante. Le temps se défossilisait, recommençait à trembler.»Tokyo, 1938. En pleine guerre entre le Japon et la Chine, quatre violonistes amateurs se réunissent régulièrement pour répéter. Un jour, ils sont interrompus par des soldats, soupçonnés de comploter contre le pays. Caché dans une armoire, Rei assiste à l'arrestation de son père. Cet événement constitue pour lui la blessure première qui déterminera son destin... Mais le passé peut-il être réparé ?
En 1939, Jun est étudiant au Conservatoire de Paris. Mais le conflit sino-japonais le contraint à rentrer au Japon. En quittant la France, il laisse derrière lui son grand amour, sa «reine de coeur», la jeune Anna. L'épreuve de la guerre sera d'une violence monstrueuse.Des années plus tard, Mizuné, une jeune altiste parisienne, découvre un roman qui lui rappelle étrangement le parcours de ses grands-parents, Jun et Anna, qu'elle n'a jamais connus. Bouleversée par la guerre et la folie des hommes, leur histoire d'amour, si intimement liée à la musique, pourrait bien trouver un prolongement inattendu.Le passé récent du Japon et les atrocités commises au nom de la grandeur nationale, la musique vécue comme ce que l'humanité porte en elle de meilleur, la transmission du passé malgré les silences familiaux, l'amour de la langue française : dans ce roman à la fois émouvant et captivant, Akira Mizubayashi continue d'explorer les thèmes qui lui sont chers.
«La maladie de Mathilde les avait coupés du monde. Rester des heures entières auprès de sa femme ne lui pesait pas, bien au contraire. La musique devenait alors pour eux comme une prière sans paroles, l'occasion d'un silencieux échange de sourires et de soupirs d'émerveillement.» Ancien professeur de littérature française à Tokyo, Sen-nen vit désormais à Paris avec sa femme Mathilde. Un jour, il reçoit un message de son amour de jeunesse, Clémence, une cantatrice qui interprétait Suzanne dans Les Noces de Figaro. Après trente ans de silence, elle l'invite à une nouvelle représentation de cet opéra, dont elle supervise la mise en scène. Mathilde laisse alors son mari aller à la rencontre du passé.
« Le jour où je me suis emparé de la langue française, j'ai perdu le japonais pour toujours dans sa pureté originelle. Ma langue d'origine a perdu son statut de langue d'origine. J'ai appris à parler comme un étranger dans ma propre langue. Mon errance entre les deux langues a commencé. Je ne suis donc ni japonais ni français. Je ne cesse finalement de me rendre étranger à moi-même dans les deux langues, en allant et en revenant de l'une à l'autre, pour me sentir toujours décalé, hors de place. Mais, justement, c'est de ce lieu écarté que j'accède à la parole ; c'est de ce lieu ou plutôt de ce non-lieu que j'exprime tout mon amour du français, tout mon attachement au japonais. Je suis étranger ici et là et je le demeure. » A. M.
«Mélodie fut pour moi - je mets à part les deux chiens de mon enfance - l'être le plus faible, le plus fragile, le plus totalement réduit à un état d'impuissance constante. Et par cette vulnérabilité extrême, elle a occupé, tout au long de son existence qui se confondait avec la mienne, la position de maître, et moi celle d'élève. Elle a été comme un grand maître d'un art traditionnel japonais dont l'enseignement consiste à ne rien dire de son art, mais à laisser son élève en deviner la quintessence.» En rendant hommage à sa chienne Mélodie, Akira Mizubayashi nous offre une réflexion sensible sur les relations entre homme et animal, le récit bouleversant d'un amour heureux.
L'espace de la salle de bains, espace souvent anodin, ou exigu en Europe, est au Japon un lieu privilégié où le thème de l'intimité familiale ou amicale se manifeste mieux qu'ailleurs. Le bain japonais est un élément de civilisation, au même titre que la cérémonie de thé, les haïkus ou la voie des fleurs. Si le bain est d'abord associé aux yeux d'un occidental à l'idée de propreté, il est au Japon un savoir-vivre raffiné, poétique, qui rend possible la rencontre de l'autre dans un cadre intime et bienveillant.
Comme Tanizaki, dans son Éloge de l'ombre, Akira Mizubayashi nous livre dans cette évocation des eaux profondes, le secret d'un coeur japonais mais aussi la vigilance critique d'un homme de son temps dans un pays en crise.
«C'est cet effort d'absence volontaire, de déracinement voulu, de distanciation active par rapport à son milieu qui paraît toujours naturel, c'est donc cette manière de s'éloigner de soi-même - ne serait-ce que momentanément et provisoirement -, de se séparer du natal, du national et de ce qui, plus généralement, le fixe dans une étroitesse identitaire, c'est cela et surtout cela que j'appellerai errance.»
A tender yet powerful novel of remembrance, loss, and the ways in which art defies death to become the very matter of life--a masterful and emotionally resonant blend of The Red Violin and The Unconsoled.Tokyo, 1938. Four amateur musicians passionate about Western classical music meet regularly at the Cultural Center to rehearse. Yu, a Japanese native, is an English teacher. His fellow musicians, Yanfen, Cheng, and Kang, are among the few Chinese students who have remained in the wake of the Japanese invasion of their homeland. With nationalistic tensions between the two nations threatening to boil over, the students'' situation is precarious.One day, their rehearsal is brutally interrupted by Japanese soldiers. In the skirmish, Yu''s violin is broken and the four men are arrested at gunpoint, accused of plotting on China''s behalf. Hiding in a wardrobe, Yu''s eleven-year-old son, Rei, watches in terror as his father is led away. It is the last time he will ever see him. But Rei''s escape is not luck. During the raid, Lieutenant Kurokami finds the boy yet chooses to let him go--and gives Rei his father''s broken instrument to remember him.The event will change the course of Rei''s life. Music becomes a motif of his journey, as the story''s melancholic rhythms intensify and soften with each movement of his life. The broken violin he is determined to restore is a reminder of what he has lost, and what there is to be gained.Set in a world ripped apart by war, Akira Mizubayashi''s delicate tale is a story of compassion that reminds us of the power of art and love to combat nationalistic fury, mend cultural and linguistic fracture, redress the loss of human dignity, and heal deep psychic wounds. In elegant, melodic prose, Broken Soul is a parable of immense beauty and ferocious courage.Translated from the French by Alison Anderson
Caribaï est une artiste née à Tokyo en 1984.
Elle est titulaire d?un Diplôme National Supérieur d?Expression Plastique (DNSEP, Fr, 2008). Elle vit et travaille à Bruxelles depuis 2009 et expose régulièrement son travail depuis 2004 en France et en Belgique où elle a reçu plusieurs prix et bourses de soutien à la création.
« Caribaï est une peintre japonaise. Elle est née franco-vénézuélienne à Tokyo. Elle a passé les toutes premières années de son enfance dans la capitale nipponne. En garde-t-elle des images, des impressions sonores ou olfactives ? Certainement. Mais ce n?est pas pour cela qu?elle est peintre japonaise. Son ?uvre que je regarde fait d?elle une artiste japonaise. Rien de moins, rien de plus. » Akira Mizubayashi