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Fata Morgana
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Mon corps est à moi, je ne veux pas qu'on en dispose. Dans mon esprit circulent bien des choses, dans mon corps ne circule rien que moi. C'est tout ce qui me reste de tout ce que j'avais. Je ne veux pas qu'on le prenne pour le mettre en cellule, l'encamisoler, lui attacher au lit les pieds, l'enfermer dans un quartier d'asile, lui interdire de sortir jamais, l'empoisonner, le rouer de coups, le faire jeûner, le priver de manger, l'endormir à l'électricité..
La date du 13 janvier 1947, est aujourd'hui devenue mythique : au Théâtre du Vieux-Colombier, à 21 heures, Antonin Artaud tient une conférence devant une salle bondée où sont présents :
Paulhan, Adamov, Gide, Breton, Camus, Braque, Picasso, Dufour, Derain, Audiberti, et beaucoup d'autres. Ce projet de conférence qu'Artaud avait formé très peu de temps après son retour à Paris, reste un événement hors du commun qui l'a vu s'exposer de manière totale, parfois à la limite du soutenable. Il était venu au théâtre avec trois cahiers contenant un texte soigneusement préparé dont nous donnons ici la transcription établie par Paule Thévenin.
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La langue tombe, s'effondre, resurgit brutalement, verticale : elle se décompose et vit. Publiées en 1937 les Nouvelles révélations de l'être agissent comme une prophétie : «je ne suis pas mort, je suis séparé». Dès lors qu'il se dit «mort au monde», Artaud se trouve incapable de parler en son nom : commence, quelques mois après la publication, le long séjour asilaire qui sera un chemin vers la reformation d'un moi à partir de fragments épars.