Le "Théâtre et son double" est un volume d'essais, conférences, manifestes, notes et extraits de lettres consacrés au théâtre. Dans sa langue poétique inspirée et percutante, Antonin Artaud poursuit ici sa quête métaphysique et répond à plusieurs questionnements théoriques. Selon lui, il faut rendre au spectacle contemporain sa dignité de manifestation religieuse, c'est-à-dire que le théâtre n'a de sens que s'il est raccordé au drame originel de la condition humaine. Il réagit contre les excès de psychologie et de morale, appelant l'avènement d'un drame qui rompe enfin avec «la dictature de la parole» et privilégie les aspects «physiques» des sentiments que doivent éprouver les spectateurs. Remontant aux sources pures du théâtre, à la tragédie antique, au mystères du Moyen Âge comme aux formes dramatiques de l'art oriental, il préconise «une utilisation magique de la mise en scène» et un «langage de signes» qui puisse ressusciter dans le public l'expérience de la terreur. "Le Théâtre et son double" rassemble notamment: "Le Théâtre et la peste", "La Mise en scène et la métaphysique", "Le Théâtre alchimique", "Théâtre oriental et Théâtre occidental", "Un Athlétisme affectif", "Sur le Théâtre balinais", "En finir avec les chefs-d'oeuvre", les "Lettres sur le langage", les deux célèbres manifestes sur "Le Théâtre et la Cruauté" ainsi que "Le Théâtre de Séraphin". Il a eu, et a encore de nos jours, une très forte influence sur la création théâtrale.
Entre mythe, histoire et littérature, Artaud s'empare ici de la vie d'Héliogabale d'Émèse, grand prêtre païen adorateur du Soleil et empereur anarchiste en son empire, qui vécut au IIIe siècle d'une Rome intensément déliquescente et fit de son pouvoir "de la poésie réalisée".
Extrait : "S'il y a autour du cadavre d'Héliogabale, mort sans tombeau, et égorgé par sa police dans les latrines de son palais, une intense circulation de sang et d'excréments, il y a autour de son berceau une intense circulation de sperme. Héliogabale est né à une époque où tout le monde couchait avec tout le monde; et on ne saura jamais où ni par qui sa mère a été réellement fécondée. Pour un prince syrien comme lui, la filiation se fait par les mères ; - et, en fait de mères, il y a autour de ce fils de cocher, nouveau-né, une pléiade de Julies - et qu'elles exercent ou non sur le trône, toutes ces Julies sont de hautes grues." Pour J.M.G. Le Clézio, "Qui n'a pas lu 'Héliogabale' n'a pas touché le fond même de notre littérature sauvage."