Premier volume de la collection « Les nouveaux récits de l'Espace », Télescope intérieur relate la création, à bord de la Station spatiale internationale, de l'oeuvre éponyme conçue par l'artiste Eduardo Kac.
L'oeuvre Télescope intérieur, conçue par l'artiste Eduardo Kac pour exister en impesanteur, a été réalisée à bord de la Station spatiale internationale par le spationaute français Thomas Pesquet, en février 2017. Elle a posé le premier jalon d'une nouvelle forme de création artistique et poétique, libérée des contraintes de la gravité. Ce livre, composé en triptyque - le récit, l'oeuvre, l'entretien -, évoque la genèse de ce projet hors norme, donne à voir sa création dans l'Espace et explicite les intentions de l'artiste.
Né au Brésil en 1962, Eduardo Kac vit et travaille aux USA. De la performance et poésie électronique/holographique au début des années 80, il s'intéresse également aux formes de mutations et de transformations que subit tout corps et autres entités non-humaines (animaux et plantes). Ainsi, il utilise les biotechnologies pour élaborer un nouvel art qu'il nomme art transgénique, ou Bio-Art. Ce travail, qui implique la manipulation de matériaux génétiques pour créer de nouvelles formes de vie, produit des oeuvres fascinantes, comme son célèbre (et très controversé) GFP Bunny (Lapin PVF) : un lapin vivant dont l'ADN a été modifié devient, sous un éclairage approprié, vert fluorescent. Il faut aussi évoquer Genesis (Genèse), qui incorpore le « gène genèse », séquence d'ADN synthétique créée en laboratoire d'après un verset biblique inséré dans une bactérie vivante. Récemment, il a créé une fleur, Edunia, dans laquelle il a injecté son propre ADN. Ces travaux posent d'innombrables questions éthiques sur la responsabilité et le sens de la subjectivité. Textes d'Eleonor Heartney, critique d'art américaine, de Steve Tomasula, l'un des chefs de file du roman contemporain américain, et de Pierre-Henri Jeudy, sociologue et philosophe français. Un long entretien avec Hugues Marchal permet à Eduardo Kac de mieux préciser sa pensée, et de dénoncer quelques malentendus que son travail transgénique ne cesse de susciter.
Pour ce livre, Eduardo Kac a choisi de rencontrer Avital Ronell, figure de la nouvelle scène philosophique américaine dont l'oeuvre souligne sa manière décalée d'observer le monde à travers des thèmes comme la bêtise, le téléphone, l'addiction, les tests. Auteure de telephone book ; stupidity... Kac & Ronell s'attachent tous les deux à l'émergence de pratiques culturelles nouvelles. Ils collaborent ici sur life extreme au carrefour d'une histoire naturelle d'êtres créés par des humains, de l'évolution du vivant et de la vie privée de créatures réelles mais rarement vues. Tandis que le plus ancien être vivant repertorié dans life extreme remonte au 17e siècle, beaucoup d'autres ont été créés au 21e siècle. réunis ici pour la première fois, ces plantes et ces animaux uniques narrent une histoire différente de la vie sur la planète terre.
Depuis 1980, Eduardo Kac a initié de multiples pratiques artistiques. Il a conçu des oeuvres robotiques, interactives ou de téléprésence avant d'investir le vivant en définissant, dès 1998, ce qu'il nomme l'Art Transgénique. Il est également l'auteur de poèmes aux formes les plus diverses quand il exploite les potentiels créatifs de l'holographie, des technologies du numérique et des biotechnologies. A l'occasion de son exposition personnelle intitulée "La lumière, la vie et le langage" présentée au Centre des arts d'Enghien-les-Bains, j'ai entretenu une correspondance protéiformes avec l'artiste alternant texte, image et son, des échanges qui se sont poursuivi sur plus de six mois entre Paris et Chicago. Mon ambition : explorer en 50 questions les rapports et les dialogues qu'Eduardo Kac établit et entretient avec l'autre, qu'il soit biologique ou non biologique et avec l'être, humain ou non humain.
Dominique Moulon