« Sound of surprise », c'est ainsi que le chef d'orchestre américain Leonard Bernstein a défini une des inventions culturelles marquantes du début du XXe siècle : le jazz. Cette anthologie se présente non seulement comme un guide d'écoute, une discothèque idéale du jazz mais aussi une sélection de cent disques qui ont profondément marqué l'histoire de la musique afroaméricaine.
Album après album, se dessine le portrait du musicien choisi, le récit de l'histoire du jazz, dans ses phases multiples, ses (r)évolutions successives. Louis Armstrong, Wayne Shorter, Ella Fitzgerald, Duke Ellington, Miles Davis, Billie Holliday, John Coltrane, Dave Brubeck, Charlie Parker, Sun Ra, Cecil Taylor, Joni Mitchell, autant de figures essentielles dans un ouvrage qui l'est tout autant.
Le jazz abonde d'artistes maudits, mais Albert Ayler en est un exemple à l'état pur, vivant dans le rejet, l'ostracisme et le sarcasme permanent, qu'il ne fait rien pour abolir : violence du son amplifié par l'utilisation d'anches très dures et par un jeu très physique mobilisant toute la puissance du souffle et de la bouche, vibrato hypertrophié, paroxystique, héritage plus des transes des negro spirituals originels que du chant des " blues shouters ".
Pas de complaisance dans ce discours, pas de recherche du joli, ni même de la beauté, sinon " convulsive ". La structure canonique de l'interprétation jazz est remplacée par une sorte de patchwork sonore truffé de citations, la bluette se résolvant en fanfare polyphonique, puis éclatant en stridences diverses.