Iegor Gran
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L'une est assistante à l'école maternelle, l'autre vendeuse de tickets dans un tramway. L'une soutient la guerre en Ukraine, l'autre s'y oppose. Deux vies quotidiennes et deux solitudes, dans une Russie de province où tout est vrai.
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"Ivanov n'est certes pas un expert en littérature (à chacun son métier), mais, devant ces textes horribles, pas besoin de s'y connaître ! Il faut arrêter le criminel avant qu'il n'écrive autre chose. Avant qu'il ne métastase."URSS, années 1960. Le père de Iegor Gran, un auteur dissident, écrit des nouvelles sous pseudonyme qu'il fait passer en Occident. Agacé, le KGB charge le lieutenant Ivanov de découvrir sa véritable identité. Mais l'enquête, souvent cocasse, piétine. Pendant six ans, le suspect reste introuvable. Alors que l'histoire soviétique s'accélère, les attaques contre le régime se multiplient. L'Ouest menace. Il est temps d'agir. L'écrivain finira-t-il par faire un faux pas ?
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La mutation de la Russie en un Zombieland toxique est ce qui a rendu la guerre possible. Il s'agit maintenant de comprendre les rouages de cette folie.
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«Un voisin durable, c'est un voisin qui trie ses déchets et me surveille pour que j'en fasse autant. Une amitié durable, c'est une amitié où l'on ne met pas en danger l'avenir de la planète, même en paroles. On évite d'aborder les sujets qui fâchent. On gobe le discours moralisateur avec le sourire. On accepte l'opportunisme marchand en ouvrant son portefeuille. On se garde de penser sans gourou, sans nounou. On se retient.
Ce livre raconte comment je ne me suis pas retenu.» Iegor Gran explore, dans un style décapant, les limites de l'amitié et les contradictions de l'idéologie écologique.
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À la porte de Versailles, à l'inauguration du Salon du livre, vous rencontrez un type sympathique, lecteur pour une grande maison d'édition. Il sait que vous écrivez, vous lui montrez votre manuscrit, il en tombe dingue. Il le fait lire à quelques pointures de ses connaissances et tous sont unanimes : vous avez écrit un chef-d'oeuvre. Vous avez du mal à le croire, mais il vous rassure en vous citant Proust, Céline, Deleuze et votre vanité prend ses aises, radieuse. Vous vous apprêtez à signer un contrat quand le type disparaît. Vous appelez la maison d'édition. On vous apprend qu'il n'a jamais existé.
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« Quand l'homme est mangé cru, il est moelleux sous la dent, sa chair est délicate, et je ne sais jamais quel vin choisir. ».
Ainsi commence le stupéfiant monologue qu'Alix livre à son journal.
Jour après jour, elle retourne à son obsession, se retient de passer à l'acte, domestique l'envie androphage. Quand ce n'est pas l'écriture qui lui sert d'exutoire, c'est son supérieur hiérarchique au ministère de la Culture qui fait office de paratonnerre. Un féminisme cannibale, qui est aussi une nouvelle manière de lire le monde, d'aborder les rapports de force et de séduction.
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La guerre entre O.N.G. Ça se passe en France. Une ville moyenne. Un immeuble tout confort. Et deux locataires, les organisations La Foulée verte et Enfance et vaccin. La Foulée verte travaille évidemment à sauver l'humanité des catastrophes écologiques qui la menacent et à la protéger des poisons qu'on lui distille. Quand à Enfance et vaccin, inutile d'insister. Beaucoup de bons sentiments de part et d'autre. Beaucoup de mots, beaucoup de formules et d'idées toutes faites. Une certitude énorme d'être indispensable et la bonne conscience monstrueuse qui va avec. Le sel de la terre ! Et c'est bien sûr au niveau le plus mesquin que naissent les premières difficultés entre les deux organisations : problèmes de voisinage, occupation d'un panneau d'affichage, questions de préséance. De fil en aiguille, une guerre sans pitié se déchaîne, une guerre totale et meurtrière.
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«Il y a deux sortes d'ambition. La Lego et la Playmobil.
Les ambitieux Lego commencent par l'étape numéro un, telle qu'elle est indiquée sur le plan. Le plaisir de l'ambition Lego vient du découpage de la vie en tranches simples. À l'opposé est l'ambition Playmobil. Foutraque, fantasque et infantile, elle part à l'aventure et s'en réjouit ouvertement. Poursuivre deux lièvres à la fois est ce que l'ambition Playmobil aime le mieux.» prg>À travers les épopées de Cécile et José, jeunes gens du XXIe siècle, et de U et son mari Chmp, chasseurs-cueilleurs au Néolithique, Iegor Gran nous livre une vision singulière et décalée sur la quête de soi - ce moteur universel.
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Iegor Gran n'en démord pas, la crise sanitaire pandémique fait ressortir tous nos défauts, toutes nos superstitions, toutes nos faiblesses et lâchetés. Après un premier état des lieux féroce et hilarant dans Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres en septembre 2020, l'auteur récidive en s'attaquant dans ce nouveau texte à l'impéritie du pouvoir politique. Il décrit drôlement l'improvisation érigée en règle de gouvernement. Séquence tragi-comique d'un déconfinement raté suivi d'un reconfinement à reculons. Les commerçants sont alors désignés comme les boucs émissaires d'une crise qui échappe au contrôle des pouvoirs publics. « Peu importe qu'aucune preuve n'existe d'une plus grande circulation du virus chez les fleuristes, les libraires ou les marchands de jouets que dans les couloirs ou les bureaux des grandes entreprises, écrit Iegor Gran. Peu importe qu'aucun cluster n'ait été mis en évidence chez un cordonnier ou un antiquaire, contrairement au Sénat ou à l'Assemblée nationale. » La librairie devra fermer mais l'usine de pneus, elle, pourra continuer de tourner. On en appelle à la raison en prenant les plus folles des décisions, et le tout à marche forcée, au mépris souvent des libertés fondamentales de chacun, dans un désordre ridicule, comme la marche d'un canard sans tête.
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«Insouciants amis bacheliers ! Vous qui batifolez dans l'hydromel de votre vie bien huilée, laissez-moi vous conter ma descente aux Enfers, c'est comme du plomb qu'on m'aurait fait couler dans la gorge, et je vous avoue franchement : c'était bien fait pour moi. J'avais perdu mon Baccalauréat ! Ne prenez pas la vie pour un placebo, mes frères ! Soyez vigilants. Votre Baccalauréat peut disparaître comme le mien, il n'y a pas de raison que je sois le seul crucifié. Alors quand le destin vous aura percutés, vous verrez que vous n'aurez pas acheté ce livre pour rien. Vous le lirez comme on lit un manuel de survie.»
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Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres
Iegor Gran
- P.o.l
- Fiction
- 10 Septembre 2020
- 9782818051689
Iegor Gran n'a pas du tout, du tout apprécié le confinement ni les applaudissements ni le concert de casseroles chaque soir accompagnant la « valse des morts ». Pour la première fois dans l'histoire, l'État prenait la peine d'annoncer au pays la mort au quotidien de citoyens ordinaires, à l'unité près. L'information, au format « alerte », était aussitôt propulsée sur toutes les ondes. Pendant deux mois, on a exhibé son empathie pour les personnels de santé. Mais en réalité, dénonce Iegor Gran, on a aussi applaudi la mort, la peur, la servitude et l'envie d'obéir, son statut de cobaye de la médecine, la précarité économique des autres, la destruction de la culture.
« Mes amis se terraient comme des rats, refusaient de me voir, même à distance respectable. Je me découvrais cerné de grabataires poltrons, certains âgés d'à peine vingt ans, enfermés chez eux, incontinents de peur. Partout, la soumission. Des millions de personnes ont bien voulu être cobayes dans une expérience médicale jamais tentée auparavant : le confinement généralisé. Peu importaient les conséquences sociales, sanitaires, économiques. On avait légué à la science nos corps encore bien vivants. » Iegor Gran s'emporte, dénonce, et nous offre un coup de gueule féroce et hilarant qui, dans le style et la construction, est dans la lignée de L'écologie en bas de chez moi (2011).
« C'est vrai, quoi ! Il n'y a pas de raison que des Français se promènent impunément tandis que le gouvernement patauge dans la crise ! »
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Docteur Day est directeur d'hôpital psychiatrique. Sa spécialité : les fous qui se prennent pour des personnalités historiques. Il a guéri un Attila, il tente de soigner une Jeanne d'Arc, un de Gaulle, un Freud. On vient de lui confier un Napoléon. Se méfiant des médica- ments, n'hésitant pas à appliquer des méthodes iconoclastes, le docteur se demande si la meilleure manière de le guérir n'est pas de l'emmener faire un voyage thérapeutique en Russie.
Est-ce la fascinante personnalité de cette patiente hors norme qui a déteint petit-à-petit sur le docteur Day ? Car il faut préciser d'emblée que notre Napoléon est une jeune femme, ce qui ne s'est jamais vu dans les annales de la psychiatrie napoléonienne. Pauline B. est un Napoléon plus vrai que l'original - hautaine dans son attitude impériale, électrisante par son sens du commandement et lucide quant à ses erreurs historiques passées. S'y ajoutent les récits d'incroyables trésors pillés à Moscou en 1812. Il suffirait d'aller retrouver quelques caisses d'or pour faire la fortune de l'hôpital en proie à de bien pénibles contraintes budgétaires.
Alors ils finissent par y aller, en Russie, où rien ne se passe comme prévu, bien entendu, car ce pays est un endroit maudit pour tous les Napoléon du monde. On commence par les racketter à la douane, puis on leur vole leur voiture et on les abandonne quelque part sur la grande route entre Moscou et Smolensk, sans argent ni bagages, tandis qu'une pluie glacée d'automne se met à percer les habits. La ville la plus proche est à une centaine de kilomètres.
Ainsi commence le terrible voyage du docteur Day et de Pauline-Napoléon en Russie. Leur seul but désormais est de rentrer vivants en France. Car le froid n'est jamais loin dans ce pays. La faim. L'immensité des forêts gelées fait perdre la raison. Et les cadavres ! Ces milliers de soldats dont le véritable Napoléon a gorgé le sol en 1812 se réveillent maintenant pour hurler à nouveau leur souffrance et prêter allégeance à leur chef - Pauline.
Gambadant dans ce gothique effrayant dont seule la Russie a le secret, le roman nous embarque dans une épopée à la frontière du fantastique et de la folie. Entre sorcières et bandits, ivrognes et simples d'esprit, charognards et chasseurs de trésors, entre morts vivants et vivants morts, le chemin pour retrouver la douce France est porté par le souffle exaltant de l'aventure.
Composé comme un journal tenu par le docteur Day, qui n'est pas un intellectuel et encore moins un historien, le roman peut se dévorer à tous les âges, y compris au collège, ce qui n'est pas la moindre de ses ambitions.
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Une fillette de onze ans se documente autour d'elle.
- Comment aimerais-tu mourir ?
- C'est quoi ton Playmobil préféré ?
- C'est qui Karl Marx ?
- Tu préfères une girafe ou un balcon ?
Son père pourrait l'envoyer balader mais elle a un drôle de projet : dessiner une vie entière. Toute une vie, de la naissance à la mort, une vie où il faut dès le départ et tout le long faire des choix : femme ou homme, doudou ou tétine, manège ou zoo, Beatles ou Rolling Stones, passion dévorante ou maladie chronique. enterrement ou crémation.
La fillette veut dessiner tout de cette vie rêvée ou redoutée dont elle n'a parcouru pour l'instant que la première ligne droite. Cela donne alors ce jeu de colin-maillard en 550 dessins délicats que le père et la fille ont classés par tranche d'âge. Résultat : on naît, on grandit, on joue, on étudie, on aime, on se marie, on a des projets, on travaille, on vieillit, on s'amuse, on s'ennuie, on voyage, on meurt.
Entre immensité et petitesse, la vie est une parade d'accessoires, d'idées, de jeux et de jouets, de pièces de monnaie, d'illustres modèles, de gâteaux, de maladies chroniques et aussi de rêves flamboyants.
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Tic-tac... Vous entendez?... Ce murmure... Chaque soir, au village, les habitués se retrouvent au bistrot pour écouter les histoires incroyables d'oncle Guillaume.
Des Nike entraînent celui qui les porte vers des plans pas nets. Kennedy coule des jours anonymes après avoir mis en scène son assassinat. Le Remplaceur change les mots français en leurs équivalents anglais jusqu'à faire oublier la langue maternelle à ses victimes...
Oncle Guillaume donne le frisson et fonde une nouvelle mythologie.
Tic-tac... Un jour, à force de se raconter des histoires, la France déclare la guerre à l'Amérique. Des troupes françaises débarquent par surprise en Floride et progressent rapidement jusqu'à Atlanta.
Tic-tac... Tout ce bruit... Les succès et les revers de la viande à canon.
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« Art est puissance » qu'elle disait la diablesse, « art est magie », et moi j'ouvrais les oreilles en tunnel, j'avalais. Pourtant mon métier de galeriste aurait dû m'immuniser, depuis quarante ans que j'en vendais de l'art, des discours j'avais soupé. L'amour m'a mis les oeillères, tout transi je me sentais devant ses charmes bien cuits, amoureux luisant, et même mon âge putride de soixante ne parvenait pas à me dessoûler.
Faut dire que je vivais une deuxième puberté, ma jeunesse revenait n'en déplaise à mes enfants, à l'approche de la maison de retraite mon corps avait des poussées de vigueur, érections en tour de Babel, la folie du sang fermenté. Et l'acné qui vint par dessus, la cerise !
Le jour où j'ai décidé d'exposer l'acné dans ma galerie, les copains m'ont regardé comme si j'avais la démence. Conformistes ringards ! Attendez voir de quoi est capable Guinness le galeriste !
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Lucie et André sont au bord du divorce après quinze ans de mariage. Autour d'eux, à gauche comme à droite, l'indifférence le dispute à l'agacement. A gauche, André est un homme de gauche, évidemment. Lucie et André ont une fille. A droite, André est un bourgeois de droite. Lucie et André ont un fils. A gauche et à droite, un crime se prépare. A gauche, Lucie peut y passer. A droite, c'est André. Mais supposons qu'il n'y ait plus ni gauche ni droite - rêvons un peu ! -, que gauche et droite aient fusionné comme, disons, les deux moitiés d'un cerveau. Serait-il alors possible que la moyenne de deux meurtres soit une lune de miel ?
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On le sait, chaque automne depuis cent ans, le Goncourt est attribué au livre le plus insignifiant de la rentrée.
Si l'utilité de ce prix repoussoir n'est plus à prouver - il montre à nos jeunes écrivains les voies littéraires sans avenir -, il ne faut pas oublier trop vite les goncourables, ces malheureux qui passent deux mois dans une grande détresse morale à attendre le verdict. Ils sont chair et tripes, ces gens-là, et ils ont mal à l'amour-propre. Peu de supplices sont comparables à ceux d'un pauvre bougre en sursis du Goncourt !
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Les faits divers sont les soupapes cachées de la civilisation. Voici qu'un certain Norman, professeur d'économie à l'Université de Berkeley, dérobe le portefeuille d'un clochard. Coup de folie ? Envie de jouer au surhomme ?... Ses proches sont perplexes. Et Norman, qui a toujours étalé sa probité de gauche, patauge maintenant dans un fâcheux bourbier moral.
L'incident aurait été un simple dérapage vite oublié - qui se soucie d'un clochard ? -, si au même moment, s'emparant de l'affaire, un journaliste à la déontologie moribonde n'avait bidonné un article pour l'Oakland Daily.
Le crime se recycle et prend de l'ampleur. Une blonde est étranglée dans un terrain vague. Un vent mauvais se lève à Berkeley, soufflant sur les ruines de la famille, des rapports amoureux et des théories économiques à la mode.
Ainsi, comme à l'accoutumée dans les livres de Iegor Gran, nous assistons à un très réjouissant jeu de massacre qui n'épargne ni les personnages du roman ni leurs référents dans la réalité contemporaine. Si on ajoute à cela une histoire remarquablement ficelée, le lecteur est happé par une mécanique implacable qui n'a rien à envier à celles qui gouvernent les chef-d'oeuvre du genre. À ceci près, tout de même, qu'ici, en plus, on rit beaucoup. On rit devant la drôlerie des situations, l'habileté narrative et dramatique de l'auteur, mais on rit aussi à cause de son incroyable talent de manipulateurs de mots. Iegor Gran, comme personne, sait rendre notre langue métaphorique. C'est du grand art, c'est d'une poésie inattendue, burlesque et d'une rare créativité, d'autant plus surprenant qu'elle n'arrête en rien le fonctionnement de l'intrigue mais au contraire le nourrit.
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Si les femmes disparaissaient, le chat n'aurait rien à manger.
Si les femmes disparaissaient, les hommes construiraient un mausolée. Si les femmes disparaissaient, un bouc émissaire serait lynché. Si les femmes disparaissaient, la pornographie serait nationalisée. Si les femmes disparaissaient, Henri épouserait un magazine féminin. Si les femmes disparaissaient, la Bible serait à réinventer. Si les femmes disparaissaient, on les oublierait en moins de trente ans, comme on a oublié les diables du Moyen Age...
Au petit matin, les femmes ont disparu. Spécimen mâle est la chronique du genre humain à partir de cet instant.
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« Les gentils garçons et les filles sages auront mieux à faire que de lire ce livre. (...) En ce siècle où règne l'hygiénisme, je (le) dédie aux microbes rescapés. Une centaine de vilaines pensées ne seront pas de trop dans la stimulation de leur système immunitaire. Au point d'amorcer une mutation génétique qui leur permettrait de devenir multirésistants à la société ? Ce serait un beau miracle littéraire et une consécration pour le savant fou. » Ces Vilaines Pensées réunissent plus de 100 chroniques publiées dans Charlie Hebdo depuis 2012. Choisies et mises à jour par l'auteur, elles nous offrent le contrepoint d'une vision acérée et irrévérencieuse du quotidien.
Iegor Gran nous met en garde dès le prologue : loin des discours bien-pensants et autres pensées prémâchées, il commente notre actualité et les petites absurdités de la vie quotidienne - de l'écologie aux études de genre en passant par l'affaire DSK - avec une ironie et un mordant dévastateurs. L'on rit, et l'on sursaute aussi parfois en se découvrant dans le portrait d'un ridicule.
À l'heure où les polémistes se font les colporteurs des préjugés les plus éculés, il est temps de rendre la parole à ceux dont l'esprit critique n'est pas qu'une prétention !
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Cet ouvrage est d'abord l'histoire d'une découverte : au cours de ses recherches pour son roman Les Services compétents - dans lequel il raconte l'arrestation en 1965 de son père Andreï Siniavski, dissident soviétique -, Iegor Gran met la main sur un document inespéré : Le Recrutement des agents. Un livre russe daté de 1969, numéroté, imprimé à cent exemplaires. Sa fonction ? Enseigner aux jeunes recrues du KGB l'art subtil du recrutement des agents de renseignement étrangers.
Iegor Gran nous accompagne dans la lecture de ce manuel qu'il a lui-même traduit. Sa voix, entrelacée dans le texte original, nous apporte les éléments de contexte nécessaires : comment entre-t-on dans une école du KGB, qu'y fait-on, comment se déroulent les examens, etc. ? En parallèle, il évoque l'aventure personnelle que représente pour lui la plongée dans cette traduction, ses éclats de rire et ses dégoûts, la proximité que l'on peut avoir avec ce document,l'étrange effet hypnotique qu'il produit.
Convaincre ou contraindre : voilà ce qu'apprend l'officier du KGB. De l'identification de la « piste » au recrutement lui-même, le protocole est très strict, mais l'officier est aussi invité à faire preuve de créativité. Une progression s'installe, une intrigue, presque, avec comme point culminant la « conversation de recrutement ».
On oscille de l'ultra concret au très vaste projet social et politique. On passe du conseil de bienséance - ne pas boire exagérément pendant un recrutement - aux astuces de surveillance, filature, chantage et organisation, le tout incarné par une multitude d'exemples : Thomson, le facteur ; Harley, représentant chez Philips ; Verdi, artiste critique envers la politique américaine ; Fée, dactylo au sein d'une mission diplomatique...
Ce manuel n'est pas seulement une machine à voyager dans le temps. C'est une relique échappée d'un lieu obscur, un sauf-conduit vers un donjon inaccessible au simple mortel. Et un outil, aussi, pour comprendre la Russie d'aujourd'hui. -
Nicolas Fargues et Iegor Gran sont deux écrivains en mal d'inspiration.
Le volage Nicolas part rejoindre une résidence d'écriture à Wellington, en Nouvelle-Zélande, tandis que Iegor reste fidèle à Paris et à sa femme. Ils improvisent une correspondance dans laquelle il est difficile de démêler le vrai du faux, et qui dessine peu à peu un roman plein d'humour. Ils évoquent la difficulté d'écrire, l'exil mais aussi les femmes, l'amour, la virilité, le tout sur un ton qui joue et s'amuse du machisme. L'intrigue se noue autour d'un objectif précis : envoyer Léonor, une conquête de Nicolas rencontrée juste avant son départ, rejoindre ce dernier à Wellington.
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Rêve plus vite, camarade ! l'industrie du slogan en URSS de 1918 à 1935
Iegor Gran, François-Xavier Nérard
- Les echappes
- 7 Septembre 2017
- 9782357661363
Mâche soigneusement ta nourriture, Organise l'engraissement correct des porcs !... autant de slogans relayés sur les cartes et timbres postales diffusés à grande échelle dans la Russie des années 20. Un objectif : éduquer un nouvel homme russe.
Dans un ouvrage splendide, la voix de l'écrivain franco-russe Iegor Gran et celle de l'historien, François-Xavier Nérard, spécialiste de la Russie, commentent ces supports.
Dès 1918, une drôle de maladie s'empare de la Russie soviétique, la sloganmania .
Mâche soigneusement ta nourriture ! , Vaincre la tuberculose est l'affaire des travailleurs eux-mêmes ! , Tu donnes un avion ! , Pas de maison sans déchets utilisables ! ... Les sollicitations sont permanentes, les mots d'ordre omniprésents, jusqu'au grotesque.
À l'entrée de l'usine, l'ouvrier est racolé pour aider les mineurs anglais victimes du capitalisme. Si l'on reçoit une carte postale, c'est un appel à mieux planter la betterave. On sonne à votre porte, c'est le concierge qui vient vendre des vignettes pour éduquer les analphabètes...
Troublant mélange d'embrigadement sans fin, d'enthousiasme candide et de fausse exaltation, ces collectes transforment, qu'on en ait conscience ou non, la vie quotidienne en un vaste théâtre.
Pour la première fois, plus de 350 cartes et vignettes originales sont réunies, traduites en français et montrées au public. Commence alors un véritable voyage dans le quotidien de l'homme soviétique.
Pour accompagner cette riche iconographie, les voix du romancier Iegor Gran et de l'historien François-Xavier Nérard se complètent. Page après page, ces petites pièces de papier en apparence anodines ne cessent de nous surprendre.
Camarade, l'éclat de rire n'est jamais loin, pas plus que le frisson d'effroi devant la machine à décérébrer !
Iegor Gran, né à Moscou en 1964, est le fils de l'écrivain dissident soviétique Andreï Siniavski. Il arrive en France à l'âge de dix ans, où il poursuit sa scolarité puis des études à l'École centrale Paris. En parallèle à son travail d'ingénieur, il entreprend une carrière d'écrivain. Il obtient en 2003 le Grand Prix de l'humour noir pour O.N.G ! Son dernier roman paru, coécrit avec Nicolas Fargues, s'intitule Écrire à l'élastique.
François-Xavier Nérard est enseignant-chercheur à l'université de Paris I-Panthéon-Sorbonne. Il est spécialiste d'histoire soviétique. Il a travaillé sur les dénonciations en URSS ( 5 % de vérité, La dénonciation dans l'URSS de Staline, Tallandier) et réfléchit, plus globalement, à la société stalinienne. -
Les auteurs reviennent sur les principales étapes de la vie de Jésus, l'Annonciation, la Nativité, la Passion du Christ, l'Ascension etc., sur le ton de l'humour.