On ne présente plus Jacques Ancet. Grand poète, traducteur exceptionnel, il occupe une place prépondérante dans la littérature et la poésie de notre temps. Avec Le ciel sur la vitre, qu'accompagnent des oeuvres de Guy Calamusa », il invite son lecteur à renouer avec une lumière qui pouvait paraître éteinte ou captive d'un cri, aveugle, muette « comme cette parole qui se cherche sans se trouver ». Le vent se lève alors. C'est l'hiver ou le printemps. Des pétales de neige tombent sur les toits et des oiseaux, immobiles au-dessus des terres, semblent depuis des jours crucifiés à un peu de clarté. La suite sera donc « Hors-limites ». Genèse, encore, givre ou soleil, ombre toujours requise par celui qui, justement, « travaille pour les oiseaux ». Jacques Ancet s'en acquitte avec la grâce et la justesse qui ne sont qu'à lui.
La poésie dit aussi la douleur, l'enfermement, l'hôpital, le froissement d'ailes de la camarde...
La beauté est trop violente comme la douleur. Ne la regarde pas.
Ou si tu la regardes, oublie ce que tu vois, garde seulement Les ombres et la lumière avec ce qui fuit et que tu ne reconnais plus.
Garde le vent qui t'enveloppe mais que tu ne vois pas.
Tu ne sens que ce frôlement et ce léger désespoir qui te guette toujours...
...
Le chat, le pré, le chêne, la forêt, la roche, les nuages. Le regard monte, circule, cherche, s'arrête, repart. Qu'est-ce qu'un paysage sinon cet échange ? Cette pénétration du dedans par le dehors et l'inverse. Au point qu'il n'y a plus, du corps à la ligne de crête, que ce continu de mots, de formes, de rêves, de couleurs, de souvenirs et d'air qu'on appelle l'espace.
La vie, malgré. Malgré quoi ? Malgré tout.
Tout ce qui l'obscurcit, la salit, la détruit. La vie malgré la douleur, la déchéance, la mort. Au jour le jour. « Chronique », donc. Comme cette Chronique d'un égarement de l'auteur (texte publié par Lettres Vives en 2011) dont ce livre est en quelque sorte un prolongement. Ou « journal », si l'on préfère. Journal du temps. Car ces pages relèvent essentiellement du journal, de cette écriture non pas des événements de la vie de l'auteur, de ses sentiments, de ses pensées, mais du jour, de sa lumière, de son perpétuel recommencement - de cette extase ou Amnésie du présent, pour reprendre le titre d'un essai récemment paru. Journal, oui, de l'énigme d'être là, d'être vivant.
95 sizains et 2 proses dont une inaugurale pose l'enjeu de ce livre : écrire le jour, ses odeurs, ses lueurs, ses rumeurs. Ce qui s'approche, s'éloigne et le lieu même de cet enjeu : le poème comme une fenêtre. Un petit rectangle de mots qui donne sur ce qu'on ne sait pas.
Ce volume, sous format poche, est le prolongement de Le jour commence (Poèmes I - 1966-1976) publié en 2015. Il est composé de Zone franche (Poèmes II - 1974-1980) et de L'heure de cendre.
Après avoir enseigné pendant plus de trente ans dans les classes préparatoires des grandes écoles, il se consacre aujourd'hui à son travail d'écrivain et de traducteur près d'Annecy, où il réside. Auteur d'une quarantaine de livres, il a reçu les prix de poésie Charles Vildrac de la Société des gens de lettres et Heredia de l'Académie française 2006 pour Diptyque avec une ombre (Arfuyen), le Prix Apollinaire 2009 pour L'Identité obscure (Lettres Vives) ainsi que la Plume d'or 2013 de la S.A.S. pour l'ensemble de son oeuvre. Traducteur de quelques-unes parmi les plus grandes voix des lettres hispaniques comme Rodolfo Alonso (Entre les dents, érès, 2017), il s'est également vu décerner les prix Nelly Sachs 1992 et Rhône-Alpes du Livre 1994, la Bourse du Prix Européen de Littérature 2006 et les prix de traduction Alain Bosquet 2015 et Roger Caillois 2016. Enfin, tout récemment, son travail de traducteur et d'écrivain vient d'être distingué par un doctorat honoris causa de l'Université Catholique de Louvain. Il a publié aux éditions érès Portrait d'une ombre (érès, 2009) et Travaux de l'infime (érès, 2012).
Finir c'est commencer - mais qui parlait ? Nous écoutions incrédules fixant le lent déclin de la lumière Ou surpris par ce suspens inattendu qui brusquement nous séparait de la rumeur du jour.
Oui, commencer : les mots vous abandonnent, mais derrière eux reste comme un écho de choses Qui se cherchent. La voix se perdait avec le ciel rouge. Laisser dire, on l'entendait encore, - et voir venir.
Ce livre réunit un certain nombre d'essais écrits durant plus de deux décennies (1991-2014). Ils accompagnent un chemin d'écriture qui, depuis une quarantaine d'années tente difficilement, fragmentairement, de prendre conscience de lui-même dans l'après-coup du regard jeté en arrière ou dans l'accompagnement d'un certain nombre d'oeuvres aimées. Ces textes ont tous en commun d'être traversés par une interrogation insistante qui, depuis Don Quichotte, est celle de toute entreprise littéraire : qu'en est-il des rapports de l'écriture et du réel ? Laquelle ne peut engendrer que d'autres interrogations ou quelques réponses provisoires et toutes plus ou moins formulées ici ou là depuis longtemps déjà. Ce qui ne dispense personne d'essayer de les reformuler à son tour et à sa manière. "Tout ce qu'on a pensé d'intelligent, écrit Goethe, on l'a déjà pensé ; ce qui nous reste à faire, c'est de le penser de nouveau.".
Il suit les traces. Il les perd. Recueil composé de 9 parties : /Les traces/ Le cri/ Au bord/ Seul/ La peur avec /Lui/ et /Elle/ / La pluie/ La lumière/ La beauté/ Perdre les traces /Mais comment trouver les traces ?/ Le ciel se couvre. On entend/ tomber les châtaignes une à/ une. Il y a sur le mur/ comme un signe entre les ombres/ qu'on aimerait bien comprendre./ Les doigts se tendent. Trop tard./
Dans ce petit livre, il regroupe des petits poèmes qu'il nomme " milonga " inspirés par la disparition du grand poète Juan Gelman.
Le livre est bilingue traduit en espagnol ( Argentin ) par Rodolfo Alonso qui a bien connu le poète argentin exilé au Mexique.
Ode au recommencement est le prolongement de La brûlure et de L'identité obscure, c'est le même mouvement qu'on retrouve - le même souffle qui vous traverse et vous emporte à la rencontre de ce que vous ignorez et qui ne cesse de recommencer. Ce présent de la vie qui, d'un même élan, vous arrive et vous abandonne, comme les vagues de la mer que semblent mimer ces grandes laisses, ces grandes strophes où tout voudrait entrer, l'infime et l'immense, le proche et le lointain, la lumière et les ténèbres, l'ordinaire et l'extraordinaire, la douceur et la douleur, tout ce qui fait, le merveilleux, l'épouvantable, l'inépuisable réel.
À la mort soudaine de sa femme, le narrateur du Dénouement se réfugie dans la rédaction d'un journal, le journal de son deuil. Survivre, c'est écrire. Recomposer par le langage un nouveau rapport au temps, à la mémoire et à la solitude. Peut-on vraiment quitter quoi que ce soit ?, écrit-il en proie à sa propre nature sauvage. D'autres espaces s'ouvrent à lui : paysages de montagne embrumés, bergerie perdue sur un plateau rocheux, monastère où reprendre des forces. C'est le parcours initiatique d'un homme retranché dans les marges de son humanité et dont le lecteur peut suivre, étape par étape, l'écriture du récit.
Un roman comme un poing crevé d'éclairs. Une explosion d'images.
Au coeur d'un de cor re duit a sa plus simple expression (un champ, une montagne au loin, une ferme), l'image d'un arbre se de pose sur une fene tre. Un homme, dans une chambre, le regarde. Et inversement. Se de ploie alors un espace, immense et infime a la fois, qui s'approprie l'obscur de la nuit, la friction des e corces, les flux de luminosite du jour et la phosphorescence des neiges. Dans cet opus qui s'apparente a ses Quatre saisons, Jacques Ancet chante l'apparente immutabilite des choses et leurs secre tes me tamorphoses.
Il y a dans tout poème une bouche obscure, muette, qui compte.
Et ce qu'elle compte, c'est l'irréversible qui revient. Elle dit ce qui est là et n'y est pas, ce qui s'éloigne, ce qui s'approche. Elle est la bouche du présent. Chaque heure est un poème, chaque poème une heure. Un voyage de l'infime - éclats, fils, feux, fraîcheur, moiteur des corps... Vivacité, violence, naissance et mort, un passage de l'insaisissable... La voix de ce qui se tait mais insiste... Le compte de ce qui ne s'ajoute pas mais recommence...
Chutes : non pas ce qu'on a laissé tomber, mais, en retrait de l'écriture, le mouvement de la pensée, lacunaire, éclectique en apparence et pourtant toujours revenant aux mêmes questions, comme une lampe qu'on déplace autour d'un objet, dont successivement s'éclairent et s'obscurcissent les différentes faces, dans la recherche heureusement jamais atteinte d'une totalité enfin close. Jacques Ancet, en ces pages a déposé les réflexions, les questionnements, les références aussi qui ont accompagné son travail d'écrivain et de traducteur. Il y a bien sûr un risque à livrer ces notes qui sont comme le journal intime de l'écriture. Certains y verront de l'impudeur, peut-être. Je préfère quant à moi y voir l'occasion d'entrer plus avant dans une oeuvre et un parcours poétique qui comptent aujourd'hui parmi les plus significatifs. E.M.
Chutes : non pas ce qu'on a laissé tomber, mais, en retrait de l'écriture, le mouvement de la pensée, lacunaire, éclectique en apparence et pourtant toujours revenant aux mêmes questions, comme une lampe qu'on déplace autour d'un objet, dont successivement s'éclairent et s'obscurcissent les différentes faces, dans la recherche heureusement jamais atteinte d'une totalité enfin close. Jacques Ancet, en ces pages a déposé les réflexions, les questionnements, les références aussi qui ont accompagné son travail d'écrivain et de traducteur. Il y a bien sûr un risque à livrer ces notes qui sont comme le journal intime de l'écriture. Certains y verront de l'impudeur, peut-être. Je préfère quant à moi y voir l'occasion d'entrer plus avant dans une oeuvre et un parcours poétique qui comptent aujourd'hui parmi les plus significatifs.
Chutes : non pas ce qu'on a laissé tomber, mais, en retrait de l'écriture, le mouvement de la pensée, lacunaire, éclectique en apparence et pourtant toujours revenant aux mêmes questions, comme une lampe qu'on déplace autour d'un objet, dont successivement s'éclairent et s'obscurcissent les différentes faces, dans la recherche heureusement jamais atteinte d'une totalité enfin close. Jacques Ancet, en ces pages a déposé les réflexions, les questionnements, les références aussi qui ont accompagné son travail d'écrivain et de traducteur. Il y a bien sûr un risque à livrer ces notes qui sont comme le journal intime de l'écriture. Certains y verront de l'impudeur, peut-être. Je préfère quant à moi y trouver l'occasion d'entrer plus avant dans une oeuvre et un parcours poétique qui comptent aujourd'hui parmi les plus significatifs. Ce cinquième cahier regroupe les notes de 2005 à 2010.
Il ne faut pas mésestimer le poids des notes dans le parcours d'un écrivain. Qu'il s'agisse d'essais, de préfaces ou de chroniques, ces textes parallèles esquissés le long de l'oeuvre en cours en disent long sur la circonférence de ses lectures, et donc sur sa profondeur de champ. En somme, les auteurs que l'on porte en soi façonnent autant notre réalité que notre environnement direct ou notre histoire personnelle.
Dans le premier opus de son cycle critique L'amitié des voix, Jacques Ancet réunit moins un panthéon d'auteurs qu'une colonne vertébrale, nécessairement subjective, d'oeuvres ayant soutenu sa voie : une géographie de préférences personnelles qui s'étend sur près de quarante ans. Car on n'écrit pas sans l'autre, et dresser la carte de ses voix d'écriture, c'est livrer un peu de soi-même.
Pour ce volume, à travers les siècles, nous suivons un sillon majoritairement franco-hispanique qui va de Cervantes à Claude Simon via Quevedo, Mallarmé ou Maria Zambrano, sans oublier Borges. Quant à savoir qui s'exprime en marge de ces textes, c'est à la fois le poète, l'écrivain, le professeur, le lecteur, le traducteur, tant tout est intriqué dans l'acte littéraire.