Les enquêtes menées par Louis IX entre 1247 et 1270 sur son administration furent très tôt considérées comme un monument de l'histoire de France, sans que les dix mille doléances conservées aient été étudiées. Cet ouvrage en livre la première histoire intégrale. En privilégiant les sources quotidiennes du gouvernement, il donne une lecture critique du règne de saint Louis, trop souvent décrit grâce aux récits destinés à le faire canoniser. Il donne à voir le roi, et non le saint.
Envoyés pour la première fois dans le royaume tout entier, les enquêteurs devaient recenser les exactions commises par le roi et ses officiers ; ils établissaient la véracité des griefs, puis réparaient financièrement les dommages attestés. À la veille d'un départ à la croisade long et peut-être définitif, les enquêtes attestent une volonté de pacifier le royaume et de racheter l'âme du roi. Elles sont aussi une entreprise de communication politique inédite : les enquêteurs diffusèrent l'idée que le roi était juste et bon et le firent connaître et reconnaître.
À l'heure de la démocratie participative, les enquêtes de Louis IX montrent que pour se construire, l'État français usa tour à tour de contrainte et de consentement et qu'il fut conçu, dès l'origine, comme un État de droit.
Incantatoire, le terme de « réforme » oriente et sature discours et représentations politiques actuels, à l'opposé du Moyen Âge qui semble avoir fait un usage extrêmement limité de la forme longue du terme prévalant à l'époque : la reformatio. L'histoire du Moyen Âge occidental est pourtant toute entière narrée selon une trame « réformiste » : rois, papes ou évêques plus ou moins « réformateurs », réformes carolingienne, clunisienne, grégorienne, cabochienne, etc. sont autant de formules qui ont connu, ou connaissent encore, un vif succès, sans que le terme de « réforme » ne soit toujours clairement défini et presque jamais historicisé. Que bon nombre de « réformateurs » médiévaux se soient définis comme des conservatores, des conservateurs, devrait pourtant nous interroger d'une part, sur l'imaginaire politique que nous projetons sur leurs expériences institutionnelles, et, d'autre part, sur la direction et le sens que ces derniers entendaient originellement donner à leur entreprise.
Régressive, la démarche qui sous-tend cet ouvrage collectif vise ainsi à retracer l'histoire d'un terme aujourd'hui à succès - la réforme - et à identifier un vocabulaire « réformateur » proprement médiéval. Sans verser dans l'écueil du nominalisme et en laissant sagement de côté la « réforme » comme phénomène historique, les contributions qu'il rassemble resteront plus modestement au ras des mots, et, partant, au plus près des représentations politiques médiévales, tout en interrogeant les usages (et les mésusages) de ce paradigme par les médiévistes.
Définir toujours plus finement les contours des sociétés médiévales et les hiérarchies qui les traversent, mettre en lumière leurs stratégies économiques, scripturaires et politiques en valorisant l'agency des individus, tels sont les champs embrassés par François Menant ces quarante dernières années. Le crédit, les conjonctures de crise et les réponses qu'y apportent les sociétés urbaines et rurales, leur litteracy et leur communication politique sont autant de thèmes sur lesquels cet ouvrage a l'ambition d'offrir un panorama actualisé.
Couvrant un large arc chronologique, du haut Moyen Âge à la Renaissance, dans un espace européen généralement orienté autour de la Méditerranée, ce livre collectif a également vocation à retracer les vastes réseaux scientifiques internationaux tissés par François Menant au cours de sa carrière : anciens élèves de l'Ecole normale supérieure de Paris, maîtres de conférence, professeurs des universités, venus de France, d'Europe ou des Amériques offrent ainsi un instantané de la recherche en histoire économique et sociale actuelle. De l'individu au groupe, de la figure de l'entrepreneur médiéval aux élites rurales, de François Menant à ses élèves et à ses collègues, tel est le chemin que permettra de parcourir cette étude.