Au moment où la peinture d'Anselm Kiefer fait l'objet d'une série de rétrospectives en Europe (Londres en 2014, Paris en 2015), la Bibliothèque nationale de France a souhaité apporter sa contribution en exposant la part la plus secrète et la plus personnelle de sa création : ses livres, ou, pour mieux dire, ses « livres-sculptures ». À rebours des manifestations marquées par la dimension monumentale de son art, la présente exposition met au jour l'intimité, la délicatesse et la poésie de son oeuvre.
Anselm Kiefer a, de fait, créé spécialement pour la Bibliothèque nationale de France une installation qui reconstitue tour à tour son atelier et sa bibliothèque, qui sont d'ordinaire inaccessibles au public. Suivant un parcours thématique, stylistique et chronologique, l'exposition présente plus d'une centaine de livres qui résonnent avec une dizaine d'oeuvres - tableaux et sculptures récents - inspirées par le livre.
Le catalogue de l'exposition, le premier consacré à ce jour en France aux principaux livres de Kiefer, illustre leur richesse visuelle et la diversité de leurs thèmes - l'histoire, la kabbale, les femmes, les mythes, les cosmogonies. En quelque sorte une summa, qui donne à voir dans la singularité de chacun des livres l'idée même du Livre qui nourrit la réflexion et l'imaginaire de Kiefer. « L'alchimie du livre », nous la voyons à l'oeuvre à la Bibliothèque nationale de France, devenue, le temps de l'exposition, l'athanor où se transforment le sable et le plomb.
Né en 1947 à Garessio en Italie, Penone est associé au mouvement de l'arte povera. Son oeuvre développe depuis ses débuts une réflexion sur la relation entre nature et culture.
L'exposition conçue par la BnF et le catalogue qui l'accompagne restituent la richesse de ses explorations conceptuelles - notamment autour de la mémoire, l'empreinte et le livre - comme la diversité des techniques utilisées : sculpture, installations, peinture, poésie...
Sève et pensée.
Oeuvre inédite et magistrale, Sève et pensée est une spectaculaire installation formée des deux segments du frottage, sur fine toile de lin, du tronc d'un acacia de trente mètres de long. Inscrit de part et d'autre du frottage se déploie un texte poétique, véritable « flux de conscience » de l'artiste, réflexions sur l'art, la nature, le temps, la mémoire, le cycle de la vie et de la mort.
À partir de Sève et pensée se dévoile un réseau de filiations avec des oeuvres chronologiquement éloignées de Giuseppe Penone, des Alberi libro (Arbres-livre), poutres écorcées et creusées jusqu'à la révélation de l'arbre originel, à la série inédite Leaves of grass, grandes peintures qui seraient comme la « fossilisation » des premières empreintes laissées sur la couverture du livre par l'auteur et les lecteurs successifs.
L'exposition présentera également au public la formidable donation de gravures faite par l'artiste à la BnF. Ces oeuvres récentes, réalisées pour certaines pendant le confinement du printemps 2020, se présentent comme des notes intimes qui accompagnent le travail de création.
Empreinte et lecture tactile.
L'historien de l'art Francesco Guzzetti explore dans son essai la notion d'identité dans l'oeuvre de Penone à travers le motif de l'empreinte, qu'elle soit humaine, végétale ou écrite.
Le livre, en tant qu'objet est « empreinte » : ses pages portent celles des mains qui les ont écrites, celles des lecteurs qui les ont touchées, parcourues.
Né en chine en 1920, zao wou-ki vit et travaille à paris depuis 1948.
Formé à l'école des beaux-arts de hangzhou où il apprend la peinture chinoise traditionnelle et l'art académique occidental, il s'intéresse, dès ses années d'apprentissage, à l'art moderne européen, admirant les oeuvres de cézanne, matisse et picasso. cet intérêt l'incite à s'installer à paris en 1948. c'est alors qu'il se lie d'amitié avec les tenants de l'abstraction lyrique, hans hartung, m pierre soulages ou marie-hélène vieira da silva.
Dès 1949, il s'initie aux diverses techniques de l'estampe : il apprend la taille-douce dans les ateliers de johnny friedlaender et henri goetz et la lithographie auprès de l'imprimeur edmond desjobert. il ne cesse dès lors de pratiquer l'estampe, parallèlement à la peinture et au dessin, jusqu'au début des années 2000. les oeuvres réalisées au moyen de ces divers procédés relèvent d'une inspiration commune.
Il est fréquent que l'artiste parte d'une huile, d'une aquarelle ou d'une encre de chine pour, ensuite, l'interpréter en gravure. son oeuvre gravé compte à ce jour quelque 400 feuilles isolées ou dans des livres. il illustre de gravures originales une cinquantaine d'ouvrages et dialogue avec une trentaine d'écrivains différents. ses premières estampes sont figuratives : natures mortes, portraits, paysages.
L'artiste réduit progressivement les figures à des signes, cheminement qu'il effectue après avoir eu la révélation de l'art de paul klee. cette recherche le conduit à l'abstraction à partir de 1954. mais la frontière entre figuration et abstraction finit par s'estomper avec les années, les oeuvres de zao wou-ki représentant de véritables paysages intérieurs. la reprise de l'encre de chine dans les années 1970, technique qu'il avait délaissée après son arrivée en france, car trop rattachée à la tradition picturale de son pays d'origine, l'incite à modifier ses estampes : ses compositions, de plus en plus aériennes, se construisent autour du vide, dans un jeu savant de nuances et de transparences.
Hélène trespeuch revient ici sur l'influence de paul klee, montrant comment cette découverte contribua à l'évolution de son art. marie minssieux-chamonard relate les rapports que zao wou-ki entretient avec les écrivains, se nourrissant de leurs textes pour créer des estampes. céline chicha analyse l'oeuvre gravé de zao wou-ki et son évolution. en fin d'ouvrage on trouvera le catalogue raisonné de l'intégralité des livres illustrés par zao wou-ki.