Langue française
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Ils commencent par là. Par la suspension. Ils mettent, pour la toute première fois, les deux pieds dans l'océan. Ils s'y glissent. A des milliers de kilomètres de toute plage. A bord d'un cargo de marchandises qui traverse l'Atlantique, l'équipage décide un jour, d'un commun accord, de s'offrir une baignade en pleine mer, brèche clandestine dans le cours des choses. De cette baignade, à laquelle seule la commandante ne participe pas, naît un vertige qui contamine la suite du voyage.
Le bateau n'est-il pas en train de prendre son indépendance ? Ultramarins sacre l'irruption du mystère dans la routine et l'ivresse de la dérive.
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" Mais qui est donc Carcasse, personnage aussi fragile qu'obstiné, qui se tient debout sur un seuil, dont on ne sait rien sauf qu'il voudrait le franchir et qu'il ne sait ni pourquoi ni comment le faire ? Curieux personnage vide, au nom improbable et sans fonction, mais qui vit intensément, riche paradoxalement de désirs, d'attentes, de craintes, de refus. C'est comme s'il n'existait pas encore tout à fait et pourtant, comme on dit, il se pose là, trouble, dérange, fait obstacle.
Allons, une chose est sûre, Carcasse nous ressemble étrangement, qui cherche une présence si maladroitement, si avide d'humanité dans sa demande incertaine et naïve. Avec humour, par traits et mouvements successifs, Mariette Navarro peint ici un rejeton du Plume de Michaux aux prises avec le monde, avec les autres, avec l'époque : Carcasse voudrait être contre, mais doit faire avec. Et si cette embarrassante contradiction était, pour Carcasse comme pour nous, le seuil à franchir ? " Jean-Pierre Siméon, directeur de la collection Grands fonds.
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La soumission ou la vie ? Deux voies opposées où l'une mène droit à la résignation les laissés-pour-compte d'un monde qui leur est en tout hostile, quand l'autre, à la suite d'une sorte de clochard céleste, joyeusement rebelle, ouvre des chemins de traverse.
Extrait :
IL, d'un doigt, fait s'arrêter la pluie.
Il y a un peu trop longtemps que cela dure, IL dit, le permanent automne même en avril, alors IL lève la main comme on menace et par hasard ça marche et ça se tait, l'eau dans les rigoles. IL, alors, fait s'entrouvrir les nuages, pointe toujours de l'index pour voir et, chatouillant la brume, fait l'éclaircie et bâille, on va pouvoir sécher tout ça et ce sera déjà pas mal.
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J'ai vu les rassemblements sur les places. J'ai vu les premiers départs vers la forêt. La façon dont quelque chose basculait avec le plus grand calme. Chapeau, d'ailleurs, pour le calme. Pas évident, quand on nous prend à ce point-là pour des idiots ou des esclaves. J'ai bien vu comme en face ils perdaient leurs moyens. Plus personne à diriger. J'ai trouvé cette idée géniale, moi qui n'ai pas beaucoup d'idées. Ne pas casser la machine, mais la laisser tourner à vide. Quitter le jeu. Bien vu. Un peuple entier qui glisse entre les doigts, qui se fond dans une forêt. Un peuple entier qui tourne le dos. J'ai eu envie d'être quelqu'un de ce peuple. J'ai eu envie de vous aimer.
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Qui pourrait déceler dans le corps du texte de Prodiges® ce qui appartient aux argumentaires de vente à domicile bien maîtrisés et ce qui relève de l'expérience personnelle et intime des vendeuses ? Personne. La puissance d'écriture de Mariette Navarro réside dans cet art d'inviter les slogans publicitaires à s'immiscer dans les espaces privés de chacune de ces femmes. En usant de ces référents, elle déploie la mécanique implacable de notre conditionnement.
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Les feux de poitrine ; cinq fêtes pour rester vivants
Mariette Navarro
- Quartett
- 15 Mars 2015
- 9782916834559
Une fête pour celui qui revient de loin et qu'on ne veut plus perdre, une fête organisée par des enfants et qui ne s'arrête plus, un mariage où l'on se rencontre et se plaît, jusqu'à la fête de victoire et la liesse autour d'un feu sur une plage : Les feux de poitrine sont une suite de nouvelles théâtrales, instantanés sur des moments que l'on s'efforce de rendre collectivement hors du commun, dans un bras de fer permanent avec la mélancolie. Et de pièce en pièce, de choeur en choeur, on passe progressivement du froid au grand feu de l'été, de la lutte contre le découragement à l'envie de se réjouir tous ensemble d'une saison nouvelle. Les feux de poitrine ont été écrits pour rassembler sur scène des adultes, des adolescents et des enfants.
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Ainsi les enfants apprennent-ils que les règles du monde ne sont pas celles de leurs envies, les adultes sont-ils châtiés d'avoir troqué leurs promesses de bonheur contre la tristesse fade d'une autorité parentale plus proche de la volonté malsaine de contrôle d'autrui que d'un souci d'éducation, d'accompagnement. Pourtant, d'éducation, d'accompagnement, il en est question dans cette pièce ; mais l'adolescence est souveraine dans sa fragilité ; elle fonctionne comme un révélateur de l'inanité des demi-mesures, des projets mous et creux. Intégral dans ma peau parle de mue. De quête d'absolu. De peur de se perdre. De rébellion. Et d'enfance. De la pureté de l'enfance.
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Quant à moi, je veux ce matin orchestrer la symphonie des klaxons.