Dans ce numéro, le passage du temps sur les paysages emprunte des voies multiples et parfois surprenantes : héritages encombrants, architectures patinées ou figées, milieux altérés ; mais aussi ruptures ou sauts d'échelle de l'anamnèse, projets de maintenance ou de restauration, latence et persistance des logiques historiques qui animent des territoires. Le fil commun de ces contributions est leur ancrage sensible dans l'expérience de transformations, chacune à son rythme propre.
Dans ce numéro, le passage du temps sur les paysages emprunte des voies multiples et parfois surprenantes : héritages encombrants, architectures patinées ou figées, milieux altérés ; mais aussi ruptures ou sauts d'échelle de l'anamnèse, projets de maintenance ou de restauration, latence et persistance des logiques historiques qui animent des territoires. On y découvrira aussi des traditions inspirantes, la patience du soin et de la convalescence, des scènes d'anticipation et de rétrospection où se jouent une part de science et une part de fiction ; des dessins de mémoire, des récits d'enfance ; ainsi que les photographies d'une rivière à demi-oubliée, et l'imagination de pédagogies à venir.
Le fil commun de ces contributions est leur ancrage sensible dans l'expérience de transformations, chacune à son rythme propre. C'est l'expérience saisissante du devenir, de cette trajectoire continue et indéterminée dont tout paysage peut se faire, à la manière d'un film au ralenti plutôt que d'un arrêt sur image, la figuration provisoire.
L'expérience du paysage relève d'un jeu constant d'éloignements et de rapprochements. Dans nos perceptions se nouent des relations spatiales, temporelles et mobiles entre le proche et le lointain. Telle est l'oscillation permanente que ce numéro explore de la ville dense à la moyenne montagne, et du pas de la porte jusqu'à l'Extrême-Orient et le Japon.
Des contributions savantes comme celle de Bruno Taut ou de Fumihiko Maki (grand architecte japonais), mais aussi celles des étudiants, ces "nouveaux penseurs" du paysage engagés sur les problématiques du besoin de soigner des espaces attentants à nos lieux de vie, mais aussi anticipant les bouleversements par le réchauffement climatique, nous font voyager, imaginer, penser le tout près et le très loin: du quartier des Pentes du Vieux-Lyon, la périphérie nord de Blois, le littoral de Montpellier, la vallée de la Beaume en Ardèche en passant par Athènes jusqu'au Japon.
Si L'Homme d'Aran (1934) de Robert J. Flaherty a rendu mondialement célèbre la puissance d'évocation de ces paysages, Aran prête autant à l'étude scientifique et à la rêverie poétique qu'à la méditation philosophique : ses surfaces témoignent d'une domestication du monde, d'un man's land précaire, à jamais provisoire.
L'archipel d'Aran, dans la baie de Galway en Irlande, est un bout du monde occidental surexposé aux éléments. L'érosion a restreint la formation naturelle d'un sol fertile sur ces îles calcaires : leurs habitants ont dû créer de minces parcelles cultivables, délimitées par des milliers de murets de pierre sèche assemblés par gravité. Par un harassant effort collectif, à la seule force de l'énergie musculaire, humaine et animale, et avec très peu d'outils. Ce plateau de maillage de pierres est bordé par de hautes falaises. Le pourtour est ponctué d'énigmatiques « forts » d'architecture préchrétienne.
La photographe Beatrix von Conta a fait le voyage d'Aran en 2019. Elle y a poursuivi son travail au long cours sur des « paysages contradictoires », scrutant la permanence des traces du passé, relevant les signes de résistance et de ruptures inscrits dans les surfaces matérielles. Attentive aux transformations des lieux dans la durée historique, la série se confronte à la mémoire diffuse et involontaire du travail humain, omniprésente, sur cette « île faite main ». Ce livre poursuit le « questionnement sans jugement » de la photographe dans un rapport complexe à une réalité où se mêlent herbe, pierre, air et eau. Le paysage est aussi pour elle une fiction que l'image photographique rend possible. Une réalité nouvelle, offerte par le cadrage et le point de vue.
Ces pierres assemblées dans un apparent déséquilibre, auto-bloquées sans liant ni joints, sont autant des obstacles visuels que des voies de franchissement du pas et du regard. Qu'est-ce qui émeut tant dans ses photographies, et de quelle beauté s'agit-il ? Que révèlent ces paysages fabriqués de main d'homme, témoins d'une histoire ancestrale qui interroge notre relation complexe à la terre ?
En parallèle du parcours visuel, le philosophe Olivier Gaudin interroge la lente formation du territoire d'Aran, de sa géologie à ses architectures et à ses paysages. La pierre calcaire sombre se retrouve dans toutes les constructions anciennes, sans exception - habitations, églises, tours de guet, phares. Les formes des paysages sont issues d'une très longue hybridation des activités humaines avec les processus spontanés appelés aujourd'hui « naturels », mais que l'on associait tout aussi volontiers, par le passé, aux intentions de puissances autrement sauvages.
Les éditions Créaphis poursuivent avec ce livre une réflexion sur les caractères des paysages et leurs potentialités de résistance face aux menaces qui les environnent. Ce livre est un « vrai faux » guide de voyage nécessaire autant aux futurs arpenteurs qu'à ceux déjà amoureux de l'île, grâce à ces regards d'auteurs à hauteur d'oeil et pas à pas.
Épaisseur et complexité à toutes les échelles d'espace et de temps, telle est la pluralité des mesures du vivant. Un enchevêtrement sans fin qu'observent un écologue scrutant les échelles des mouvements qui animent les paysages (S. Bonthoux), un écrivain attentif au jeu incessant des formes vivantes, comme les « murmurations » d'étourneaux (J.-C. Bailly), et un photographe arpentant des lieux habités qui laissent affleurer l'énigme, le mystère (I. Ariño). Les milliards de cartes postales envoyées au siècle dernier participent à la « circulation des paysages » (F. Brunet). Les dessins d'un plasticien fasciné par la croissance et l'altération (P. de Pignol) et le récit d'une course en plein désert par un écrivain soigneur de chevaux (F. Tabouret) ouvrent d'autres perspectives. Apprécier la puissance et la vulnérabilité des vivants, c'est aussi se mettre à l'écoute du chant des oiseaux avec un acousticien naturaliste (B. Fort, L. Voisin) ou s'inquiéter du devenir des paysages agricoles (S. Marot).
La mesure est au coeur du travail de conception des paysagistes (L. Chauvac et S. Morin), ce que montrent, comme à chaque livraison, les travaux d'élèves qui en constituent le centre. Deux projets engagent un dialogue avec l'agriculture : en anticipant la montée des eaux à Narbonne (P. Malautier), en cultivant le bocage de Notre-Dame-des-Landes (C. Fortin). Deux autres interrogent les capacités écologiques des métropoles : face au réchauffement à Clermont-Ferrand (L. Rue) ou en transformant un site parisien emblématique de la modernité architecturale et urbaine, le Front de Seine (K. Spangberg).
Dépressif et se croyant inadapté au monde actuel, Théodore veut rejoindre un ehpad en simulant les symptômes de la maladie d'Alzheimer. Théodore n'en peut plus, il veut échapper à la vie actuelle. Mais rien ne se passera comme prévu...
Le numéro 17 des Cahiers de l'École de Blois, Pentes, reliefs, versants, relève la complexité des répartitions foncières dans les montagnes, constate l'oubli des gestes traditionnels et la permanence des attachements, observe les écarts démographiques, les pressions économiques, les résistances et les envies de relancer l'action collective.
C'est surtout vers la moyenne montagne que ce numéro des Cahiers de l'École de Blois s'est tourné : en direction d'alpages peu fréquentés, de plateaux aux versants autrefois déboisés par les cultures, d'anciennes vallées industrielles.
À qui appartiennent aujourd'hui les montagnes ? Comment y concevoir des projets de paysage à l'épreuve de situations difficiles ?
Loin des métropoles, le projet du paysage se fait politique : il élabore des stratégies, cherche à renforcer des coopérations, susciter des échanges.
Lolita Voisin, paysagiste et nouvelle directrice de l'École de Blois, examine les enjeux politiques de l'aménagement des territoires de montagne. Il est encore temps de recueillir et de transmettre les précieux savoir-faire que leur vie étagée continue d'enseigner. C'est ce que montrent aussi les contributions d'un alpiniste et guide chevronné, Claude Jaccoux ; de Dino Genovese, forestier piémontais devenu chercheur et pédagogue ; de Colette Mazabrard, écrivaine marcheuse des Pyrénées, ou encore les visions utopiques et engagées d'Architecture alpine de l'architecte allemand Bruno Taut (1919), dont un article de Susanne Stacher salue la puissance d'évocation ; ainsi que deux séries photographiques (par Samuel Hoppe et Eric Poitevin) et les dessins du plasticien Franck Léonard, attentifs à l'étrangeté vivante des paysages hérissés.
Direction de l'ouvrage: Olivier Gaudin. Contributions de: Jean-Christophe Bailly, Ninon Bonzom, Marc Claramunt, Hélène Copin, Claire Duthil, Léna Faury, Olivier Gaudin, Dino Genovese, Samuel Hoppe, Claude Jaccoux, Franck Leonard, Colette Mazabrard, Éric Poitevin, Susanne Stacher, Lolita Voisin.
L'adjectif "social" qualifie les expériences et les activités qui constituent la dimension collective de la vie humaine. En sciences sociales et en philosophie, son usage substantivé aborde les normes de l'action collective et les finalités des institutions. Si bien que "le social" peut désigner à la fois un état de la réalité (sens ontologique), un principe d'évaluation des actions (sens normatif) et un enjeu politique (sens critique) - sans que l'on puisse décider a priori entre ces sens. Mais est-il légitime de faire du "social" une catégorie théorique, qu'on la tienne pour ontologique ou méthodologique, analytique ou descriptive, comparative ou normative ?
L'ouvrage interroge les significations que philosophes et sociologues attribuent au "social" afin de clarifier et de faire dialoguer leurs points de vue respectifs. Il détaille les enjeux de sa conceptualisation à partir de ses usages catégoriels : rapport social, action et institution sociales, obligation, norme et critique sociales, etc. Les contributions adoptent des perspectives diverses, s'inspirant du pragmatisme, de la phénoménologie sociale, de la sociologie de Chicago, de la psychologie clinique, ou de la Théorie critique. Toutes participent d'un questionnement commun : l'étude du "social" selon ses usages ontologiques ou normatifs, à des fins d'explicitation et de comparaison.
L'ouvrage débute par un entretien croisé entre un philosophe et un sociologue, puis fait alterner des contributions d'auteurs venus des deux disciplines. Il montre qu'au-delà d'objets spécifiques et de références communes, le problème des sens du social constitue Lun des principaux terrains d'entente de la philosophie et de la sociologie.
Avec le soutien de l'université de Poitiers.