En 1967, Theodor Adorno tient une conférence à l'université de Vienne, à l'invitation de l'Union des étudiants socialistes d'Autriche, sur la remontée de l'extrême-droite en Allemagne, et notamment l'ascension inquiétante d'un parti, le NPD, qui a toutes les apparences du néonazisme et manquera de peu son entrée au Bundestag allemand deux ans plus tard.
Transcrit d'après un enregistrement, cet essai inédit a les avantages d'un texte pour partie improvisé : un style direct et très accessible. Adorno y recense les « trucs » auxquels recourt le discours d'extrême-droite, et qui ressemblent à ceux qui reviennent actuellement en vogue sur les réseaux sociaux : la volonté de mêler tous les problèmes dans une accumulation de faits invérifiables ; la « méthode du salami », ou le fait de découper, dans un complexe de réalités, une réalité particulière sur laquelle on concentre le débat ; l'utilisation d'arguments absurdes, etc.
En somme, Adorno décrivait en 1967, à peu de choses près, une réalité proche de celle de nombreux pays européens aujourd'hui.
Sa conclusion est un appel à l'intelligence et au combat : refusant de pronostiquer l'avenir de ces mouvements, Adorno rappelle que « la manière dont ces choses évolueront, et la responsabilité de cette évolution, tiennent en dernière instance à nous-mêmes».
«Il est une chose à propos de laquelle, il est vrai, l'idéologie creuse ne badine pas : la sécurité sociale. 'Nul ne doit avoir faim ou froid ; tout contrevenant ira au camp de concentration' : cette plaisanterie qui vient de l'Allemagne d'Hitler pourrait servir d'enseigne à toutes les entrées d'établissements de l'industrie culturelle.» Dans ce texte, Adorno et Horkheimer démontrent que toute manifestation culturelle et tout moyen de diffusion - film, radio, magazine - forment un système. Nulle voix ne peut s'en extraire, ni se faire entendre hors de lui. Obéissant aujourd'hui à une logique extensive, l'industrie culturelle devient, dans le capitalisme avancé, une industrie du divertissement. L'amusement n'est en outre que «le prolongement du travail». Aussi, celui qui en jouit, s'il échappe alors au travail automatisé, ne crée que les conditions pour être en mesure de s'y confronter à nouveau.