Ce roman raconte l'histoire de Guido, un antifasciste italien, né au XIXe siècle, exilé en France, participant très tôt à la Résistance, puis arrêté, déporté dans l'un des derniers convois : ce "Train Fantôme" qui mit des semaines à atteindre Dachau, tandis que la France se libérait. Voyage dont il n'est jamais revenu.
C'est aussi l'enquête menée par le narrateur, son petit-fils, pour reconstituer cette vie, l'arracher à l'oubli, en éclairer les zones d'obscurité, et faire surgir tout un pan mal connu, héroïque et tragique, de l'histoire de la dernière guerre.
À quoi se noue une méditation sur la fragile transmission chez les descendants de ceux qui étaient signalés, dans les camps, non par l'étoile jaune mais par le triangle rouge - les déportés politiques.
Un livre qui bouscule les frontières des genres admis : participant tout à la fois de la chronique familiale, du documentaire historique, de l'essai sur la mémoire, et de l'art du roman, là où il s'agit d'imaginer tout un passé maudit, englouti.
Qu'en est-il de brecht aujourd'hui ? momifié, académisé par la gauche bien-pensante, il semble devenu la figure majeure du nouveau conformisme culturel. partout joué, lu, cité, commenté, brecht apparaît comme l'ultime exemple incontesté de cette monstruosité : l'art militant. guy scarpetta en a eu assez de cette idolâtrie, des unanimités qu'elle suscite et des mythologies vieillies qui l'accompagnaient. d'où ce livre, premier grand essai de démystification de l'{imposture} brechtienne. faisant voler en éclats les stéréotypes, scarpetta y dévoile une autre image de brecht, infiniment plus étroite, dogmatique et totalitaire que celle de la légende admise. il révèle un brecht aux conceptions théâtrales réductrices, un brecht aveugle à l'art moderne, et fondamentalement complice de la logique stalinienne ; un brecht, enfin, inapte à combattre jusqu'au bout le fascisme, pour n'en pouvoir saisir les racines, et peut-être même en partager obscurément certains ressorts, comme l'antisémitisme. mais ce livre est plus qu'un simple ouvrage de démystification : à travers brecht, scarpetta commence à poser la question des rapports que "l'avant-garde" culturelle de ce siècle a entretenus avec le totalitarisme. il montre le lien paradoxal qui peut unir un écrivain "révolutionnaire" aux régressions les plus abjectes de nos modernes barbaries.
Elle se nommait marie-madeleine guimard.
Elle fut la danseuse la plus populaire de son temps, l'étoile incontestée de cette danse baroque qui culmina, en france, dans la seconde moitié du xviiie siècle. elle fut, en outre, l'une des plus grandes courtisanes de cette époque - comptant, parmi ses amants, tout aussi bien mirabeau que le duc d'orléans. elle fut le modèle et la maîtresse de fragonard, qui décora son hôtel particulier. dans son salon se pressaient nombre d'intellectuels des lumières, et c'est là, d'une certaine façon, que se préparait cette révolution qui devait lui être fatale.
C'est bien un narrateur d'aujourd'hui qui entreprend de la ressusciter. qui ne cesse de méditer sur la vie de son personnage, d'établir (les contrepoints entre le présent et le passé. qui se plaît, aussi, à rendre indistincte la limite entre ce qui repose sur des documents attestés et ce qui procède de l'imagination. parce que la vérité visée n'est pas seulement celle des faits. non pas, donc, une biographie romancée - mais plutôt un roman biographique.
Erró n'est pas un artiste maudit mais il reste cependant plutôt mal connu du grand public et d'une certaine façon, ses images sont plus célèbres que lui. Erró, c'est l'art de retourner la culture de masse contre elle-même. Les « intérieurs américains » ou l'effraction de l'imagerie révolutionnaire dans les clichés de la société de consommation. L'étrange onirisme des montages politiques, le télescopage entre images venues de la peinture classique, de la publicité, de la caricature, des dessins animés. La réactivation de l'art du collage sollicitant une imagination visuelle d'une prodigieuse fécondité, la collision des registres les plus hétérogènes, comme par exemple érotisme et violence guerrière.
«L'ivresse qui traverse les romans de Rabelais; la fougue qui emporte les corps sculptés par le Bernin; le plaisir de tête qui préside aux stratégies libertines des Liaisons dangereuses; l'effervescence de la pensée et des sens à l'oeuvre dans les fictions sadiennes; le trouble suscité par la peinture érotique de tous les temps, telle que Bataille l'a scrutée:ce livre postule un lien intime entre les plaisirs de l'art et l'art du plaisir.Rabelais, Laclos, Sade, Bataille:on n'a cessé, en France, de vouloir les censurer, les discréditer, ou, pire encore, les rendre inoffensifs. Alors qu'ils représentent ce que l'esprit français a apporté au monde de plus singulier et de plus libre; et qu'ils sont, aujourd'hui plus que jamais, le meilleur contrepoison au déferlement de bien-pensance que nous subissons.Ceux que j'évoque ici, pourtant, n'ont pas élaboré de morale hédoniste à proprement parler. Romanciers, artistes, c'est d'abord l'imagination qu'ils sollicitent, plus que la conscience ou la raison. D'où une réflexion, en contrepoint, sur l'art du roman, sa lucidité spécifique, son aptitude à dissoudre les préjugés. L'horizon indiqué, en tout cas, est celui d'un plaisir paradoxal:à la fois sans innocence et sans culpabilité.»Guy Scarpetta.
L'érotisme ? Il semble devenu omniprésent, autour de nous, dans les films, les livres, la presse, la mode, la publicité, la télé-réalité ; les clubs échangistes connaissent un succès notable, le sexe envahit les nouveaux réseaux de communication.
Et pourtant, il se pourrait bien que l'essentiel ne soit pas là ; que l'érotisme, en tant qu'expérience intérieure, soit de plus en plus menacé d'être vidé de son sens...
Que se passe-t-il, aujourd'hui, dans la création ? une époque, manifestement, s'est achevée : celle des avant-gardes, de leur terrorisme et de leur radicalisme esthétique. mais sommes-nous condamnés pour autant à revenir en arrière et à nous réfugier dans la nostalgie des codes et des langages du xixe siècle ? l'hypothèse de ce livre, c'est qu'il existe, repérable çà et là, une tout autre voie, fondamentalement {impure}, celle-ci. sachant qu'aucun langage n'est innocent, et aucun art naturel. n'hésitant pas à mélanger les genres, les registres. et dont l'auteur trouve la trace dans des oeuvres aussi différentes que celles de twombly, de kooning, kantor, wilson, beckett, kundera, pasolini, godard, berg, broch ou musil. ecrit dans une langue élégante, étourdissant de culture mais jamais obscur, cet essai est une "somme" sans exemple consacrée à l'art et à la littérature de notre temps ; une référence obligée pour qui veut comprendre ce qui se joue dans la création à la fin du xxe siècle ; et peut-être même, au-delà, comme un véritable manifeste de l'esprit nouveau.
Je poursuis ici l'enquête sur la création contemporaine commencée dans {l'Impureté}. Il me semble apercevoir ceci : notre époque pourrait bien être celle de la résurrection d'un grand style baroque. Autrement dit : quelque chose qui était né au XVIIe siècle (avec Rubens, le Bernin), qui avait connu son point d'effervescence au XVIIIe siècle, et qui avait ensuite été déprécié (par le naturalisme et le romantisme), resurgit dans notre siècle. C'est même pourquoi ce livre prend le parti de mêler les genres et les époques : confrontant dans la même réflexion la peinture de Tiepolo et celle de Picasso, la musique de Monteverdi et celle de Berio, telle page de Baudelaire et telle image de Warhol, les poètes du XVIIe siècle et les grands romanciers néo-baroques d'aujourd'hui, de Danilo Kis à Carlos Fuentes. Le Baroque contemporain ? Une façon, de nouveau, de combattre l'illusion par les moyens mêmes de l'illusion. D'afficher et de revendiquer partout {l'artifice}, comme pour suggérer que l'art n'est jamais "naturel". Rien à voir, cependant, avec le cynisme "postmoderne" car le paradoxe, ici, est que l'artifice, exaspéré, peut parfois nous conduire à la vérité et à un véritable érotisme esthétique. G.S.
"Lassé de ce flot d'images d'Epinal, de ces versions bien-pensantes qui ont déferlé sur le bicentenaire de la Révolution française, j'ai voulu montrer à contre-courant qu'il y eut aussi, à la fin du XVIIIe siècle, une autre révolution : celle de l'art, de la création, celle que désignent les noms de Sade, de Goya et de Mozart. J'ai toujours pensé que l'art et la littérature touchaient de façon brûlante au non-dit de ce qui constitue le lien social. Il s'agissait donc de tenter de retrouver de l'intérieur, par les voies du récit, de la fiction, de quelle manière Sade, Goya et Mozart vécurent ce jour-là, précisément. Tous les trois pris dans les rets de l'Histoire mais y échappant profondément par leurs singularités de créateurs." G.S.
Ce roman est bâti autour de cette {Suite lyrique} composée par Alban Berg pour un quatuor à cordes. Kurt, le personnage principal du roman, s'apprête à interpréter ce célèbre morceau lors d'une tournée de concerts et, puisqu'il s'agit d'un quatuor, trois autres personnages vont, avec lui, traverser le paysage. Il y a Barbara Peterson, une artiste américaine d'avant-garde ; Stanislas Skoliniski, un journaliste français d'origine polonaise ; Mireille Jourdan, une paysanne provençale. Logiquement, ces personnages n'auraient pas dû rencontrer le chef d'orchestre Kurt Lewenstein et pourtant, entre eux, va se nouer une histoire étrange pleine de malentendus, de passion et de drames. Une histoire où il est question, entre autres, de l'Autriche de l'immédiat après-guerre et de son atmosphère trouble, du conflit entre le libertinage et l'amour-passion, d'une découverte de l'art baroque à travers la Bavière, de New York et de l'effervescence créatrice qui y régnait dans les années 70, de la guerre du Liban, des grands romanciers viennois du début de ce siècle et de leurs destins tragiques, d'un paysage de Provence indifférent à la folie des hommes... On aura compris que la trame de ce roman ne se laisse pas aisément résumer. On songera en le lisant à ces compositions polyphoniques dont Milan Kundera disait qu'elles définissent au plus près "l'art du roman",
Une île, en Bretagne. Le narrateur, un cinéaste, se replie ici tout un été pour travailler au scénario de son prochain film. Il tombe sous le charme de Rebecca, une jeune étudiante, avec qui il finira par concrétiser ses fantasmes les plus secrets, son "cinéma" intime. Parallèlement, des séquences s'écrivent, où apparaissent des souvenirs de ses séjours antérieurs sur l'île ; et surtout des fragments de la mémoire collective de celle-ci, conviant des personnages aussi différents que Blanqui, Sarah Bernhardt, Monet, Arletty... Peu à peu, les frontières entre la vie et le film vont se brouiller, d'autant que Rebecca n'est autre que la fille d'une grande actrice, elle aussi familière de l'île, et qui fut longtemps l'égérie du narrateur. En fait, Rebecca pourrait être la fille de notre héros - fantasme, certes, un de plus entre tant d'échos, de résurgences d'un passé qui se mêle au présent. Roman résolument moderne, puisqu'avec le cinéma, c'est le monde de l'image qui sert de référence à des personnages souvent rebelles, à l'image de l'île elle-même, éternel refuge d'originaux et d'insoumis.
Guy Scarpetta a eu envie de soutenir, pour contester un préjugé courant, que le véritable "âge d'or du roman" n'était pas derrière nous, mais à notre époque. Ou, du moins, qu'il existait dans la création romanesque contemporaine des oeuvres qui n'avaient rien à envier aux plus prestigieuses du passé. D'où cette suite de douze essais critiques, portant sur des romans publiés depuis moins de quinze ans, et dont les auteurs se nomment Salman Rushdie, Philippe Roth, Milan Kundera, Mario Vargas Llosa, Claude Simon, Juan Goytisolo, Danilos Kis, Kenzaburô Oé, Alain Robbe-Grillet, Thomas Bernhard, Carlos Fuentes. En pariant sur leur statut de chefs-d'oeuvre de notre temps, c'est-à-dire sur leur capacité de produire, sur le monde qui nous entoure et sur l'expérience humaine, des effets de vérité inédits, dérangeants pour les conformismes ambiants. "Le roman est un genre plus vivant que jamais."
"N'avons-nous réellement le choix qu'entre le nationalisme jacobin et l'archaïsme des cultures "enracinées" chères à la nouvelle droite ? Qu'entre ce morne chauvinisme pour qui la culture n'est qu'un patrimoine, et la nostalgie régressive, rurale ou territoriale, des "minorités culturelles" ? Et si l'Art Moderne, de la littérature à la peinture, de James Joyce à Barnett Newman, dégageait un {tout autre} parcours ? Un affranchissement des pesanteurs nationales, des liens du sang et du sol ? Un geste à la fois singulier et universel ? Un effectif cosmopolitisme ? Ce sont quelques-unes des questions que pose ce livre. A travers un sondage historique des mythologies d'enracinement et le repérage dans la modernité culturelle de cet axe cosmopolite qui peut être perçu comme l'amorce de cette {éthique anti-fasciste} dont l'urgence n'est, hélas, plus à démontrer. Ce qui entraîne tout un voyage, où il sera question de Dante et de Kafka, de la Diaspora et du théâtre américain contemporain, de l'Exil et de la Dissidence - et aussi de Manhattan et de Venise, les villes suspendues entre le Ciel et l'Eau, les villes sans "racines"." G.S.
Comment Antonio Saura pouvait-il être un artiste à la fois profondément lié à la tradition (qu'il n'a cessé de revisiter) et radicalement novateur ? Pourquoi apparaissait-il trop abstrait pour les partisans de la figuration, et trop figuratif pour les dévots de l'abstraction ? Comment son oeuvre peut-elle sembler simultanément très violente, et très raffinée ? Très gestuelle, et aux antipodes de tout expressionnisme ? Très restreinte dans le nombre de thèmes traités, et infiniment variée ? Très espagnole, et parfaitement universelle ? Très impliquée par le catholicisme, et insolemment sacrilège ? Très sombre, très tragique, et traversée d'un irrésistible humour ? A l'occasion d'une rétrospective de ses oeuvres gravées, Guy Scarpetta, qui fut l'un de ses proches, explore ici ce faisceau de paradoxes.
Et nous fait pénétrer au coeur d'une expérience hors des normes, d'une aventure artistique parmi les plus singulières, et les plus fascinantes de notre temps.
Si Raoul Ruiz est reconnu dans le monde entier, sa fi lmographie reste labyrinthique. Trop souvent, Ruiz est réduit à ses fi lms les plus visibles des dernières années ( Trois vies et une seule mort , Le Temps retrouvé ), alors que ses réalisations abondent dès la période chilienne. Ce livre, attrayant et rigoureux, permet de prendre la mesure d'une oeuvre majeure du cinéma moderne : d'abord par les conversations de Raoul Ruiz avec Benoît Peeters, ensuite grâce à son portrait par Guy Scarpetta, qui analyse neuf de ses fi lms les plus importants. Abondamment illustré, ce livre propose aussi des entretiens avec une série d'actrices et d'acteurs qui ont travaillé avec Ruiz (Chiara Mastroianni, Arielle Dombasle, John Malkovitch, Melvil Poupaud.) ainsi qu'avec sa femme, la cinéaste Valeria Sarmiento.