Filtrer
anatoli mariengof
-
Mon siècle, ma jeunesse
Anatoli Mariengof
- Les Éditions Noir sur Blanc
- La Bibliothèque De Dimitri
- 3 Octobre 2019
- 9782882505781
Anatoli Mariengof était très connu dans les années 1920, même s'il n'avait pas la célébrité de Blok, de Maïakovski ou de Essenine. Il n'a pas été choyé par le régime soviétique mais moins persécuté que d'autres. Il est mort dans son lit ; il n'est pas auréolé de la couronne du martyre, et c'est peut-être ce qui explique qu'il n'ait pas encore retrouvé post-mortem la place qui lui revient dans la littérature russe.
Ses Mémoires sont un document irremplaçable pour connaître l'atmosphère de son époque, quand les jeunes poètes ne juraient que par l'imaginisme (mouvement qui succédait au futurisme) et que les vieux professeurs de collège décryptaient la révolution d'Octobre à la lumière de Platon et d'Aristote. Totalement immergé dans la vie intellectuelle et artistique de son temps, Mariengof donne de ses amis et connaissances de savoureux portraits. Mais la valeur de cet ouvrage n'est pas seulement documentaire, c'est une oeuvre d'art, et à ce titre profondément subjective.
L'image de l'auteur qui se révèle à nous est très attachante. C'était un homme heureux. Cela peut paraître incongru et même scandaleux, car il ne s'agit pas du bonheur collectif de commande que les écrivains officiels étaient censés exprimer, mais d'un bonheur profondément intime et personnel qui a résisté aux deuils et aux malheurs. Sa voix détonne singulièrement dans la littérature russe : peu porté sur la métaphysique et les « questions maudites » à la Dostoïevski, individualiste, hédoniste, il est sans doute plus proche de nous.
-
1918-1925 : lever de rideau sur Moscou, glauque et factice ; des aristocrates déchus louent leurs chambres à des poètes sans le sou qui se vendent aux bourgeois les plus offrants tandis que leurs fans un peu farfelus se chamaillent avec des blancs-becs soviétiques «modern style».
Le roman d'Anatoli Mariengof et de Serge Essenine - 21 et 23 ans - va durer sept ans. Englués dans un monde réel qu'ils refusent, les deux poètes refont le monde des mots, leur imaginaire crée l'imaginisme. Ils affrontent les questions matérielles, les nuits sans chauffage, la soupe maigre, les autres trop normaux (femme, parents, amis, enfants). Mais il existe entre eux une communauté de pensée, de vie : ils partagent tout, même leurs pantalons.
Le duo s'évade par l'alcool, la poésie et les voyages. Jusqu'au jour où Mariengof rencontre Anna, actrice au théâtre Kamerny. Essenine s'amourache aussitôt d'Isadora Duncan, la célèbre danseuse américaine. Le quatuor se divise : Anatoli et Anna ancrent leurs vies parmi les baladins (Taïrov, Katchalov, Meyerhold...) et Serge devient l'ombre d'Isadora dans un monde qui l'ignore. Déçu et défait, il regagne une Russie nouvelle. Il dérive alors jusqu'au delirium tremens qui l'entraîne au geste fatal une nuit de décembre 1925.
Anatoli Mariengof s'est voulu le témoin de leur temps.
-