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hélène gans perez
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« C'était à Marrakech, entre le mois de mai 1944, date de ma naissance, et le début du mois de juillet 1956, une enfance simple et heureuse qui ne se savait pas le témoin d'un univers sur le point de disparaître. » Après-midi d'été dans les rues animées et brûlantes de la Médina, souvenirs d'enfance, d'odeurs, d'épices et de saveurs, cet ouvrage nous offre une promenade dans les dédales du quartier judéo-arabe de Marrakech des années quarante et cinquante - qui sonnaient la fin de l'insouciance et la disparition d'un monde pour les Juifs du Maroc contraints de partir en 1956. Ce tableau ne serait pas complet sans cet ingrédient essentiel d'une mémoire vivante qu'est la nourriture : on y trouve ainsi des recettes de cuisine, celles qui appartenaient à la vie de tous les jours et celles des fêtes juives qui ponctuaient le temps. Un repas de noces conçu pour cent personnes clôture les recettes. L'ouvrage mêle ainsi intimement à des souvenirs autobiographiques une cuisine ancestrale transmise de génération en génération jusqu'à nos jours.
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La cuisine de mes souvenirs. Tel est le titre de notre collection, tel pourrait être le titre de cet ouvrage qui multiplie avec légèreté et profondeur les approches de la cuisine : mémoire historique de la petite et de la grande histoire, empreinte ethnologique, sociologique et culturelle singulière... Certaines recettes qui en parsèment les pages sont presque de l'ordre du journal intime, d'autres sont écrites comme des dialogues avec de chers disparus, toutes construisent « une mémoire de parfums, de couleurs, de saveurs, qui surgit parfois spontanément ou se raconte par tendresse pour les moments heureux ou malheureux d'un passé proche ou lointain ». Non, ce n'est pas un livre de cuisine. C'est un livre qui chante la vie, la famille, l'amour, la nostalgie, le désespoir, la magie de l'enfance, la grâce de l'éphémère : « À table, que ce cri résonne pour tous comme un appel au bonheur d'être. »
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Alice, mère de l'autrice, est la mémoire vivante de la société des Juifs de Marrakech. Elle raconte. Hélène, l'autrice se souvient. Résonnent alors les youyou aigus pour la naissance d'un garçon, les chuchotements dans les ateliers de couture, la rumeur des rues de Marrakech qui s'animent de souvenirs vivaces et mélangent les peuples, les origines et les langues - on y croise même des Chinois. Le temps file, s'arrête parfois. Des mariages. Des départs vers l'inconnu. Des amis qui se perdent de vue, des familles éparpillées de par le monde. Certains Juifs choisissent Israël. Personne n'aime les adieux. On se cherche. On se retrouve au hasard d'une promenade sur les Champs-Élysées ou d'une librairie du quartier Saint-Paul. Ceux qui ont vécu au pied du majestueux Atlas, dans cette plaine prospère de Marrakech, assistent à l'explosion sans fracas d'un monde très ancien, dont ces mémoires familiales croisées ravivent la mémoire.