On a oublié son nom, pourtant William Alexander Morgan est l'une des figures majeures de la révolution cubaine avec Che Guevara. Ancien soldat américain, le Yankee a combattu pour la cause du Segundo Frente - l'entité révolutionnaire qui, en collaboration avec la guérilla de Fidel Castro, a chassé le dictateur Batista. Morgan a participé activement aux conflits avant que les bouleversements politiques ne coupent court à ses convictions. Et que Fidel Castro ne le fasse fusiller...
En 2007, Gani Jakupi décide de consacrer un roman graphique - El Comandante Yankee (Dupuis, 2019) - à ce personnage absent des livres d'histoire de la révolution cubaine. Il se rend de Miami à La Havane, en passant par Barcelone et Toledo, et donne la parole à plus de trente témoins : Olga Morgan, la veuve du comandante, Eloy Gutiérrez Menoyo, le commandant en chef du Segundo Frente, mais aussi les gardes du corps de Morgan, ainsi que la plupart des guérilleros du Segundo Frente ou du M-26, le mouvement de Castro.
Au fil des entretiens s'écrit un pan entier de l'histoire de Cuba au coeur de la révolution : le quotidien des guérilleros, les antagonismes idéologiques, les coups d'éclats et d'État, sans oublier Che Guevara et Fidel Castro comme on ne les avait encore jamais racontés.
«Aux Champs-Élysées, plus qu'ailleurs, la mobilité des espaces et des choses est permanente, les mutations constantes. Ce qui existe aujourd'hui aura peut-être disparu demain.» Après Saint-Germain-desPrés, Montmartre et Montparnasse, Jean-Paul Caracalla se rapproche de chez lui et nous raconte l'histoire de «la plus belle avenue du monde».
« Le 7 juin 1998, on découvre, devant le plus vieux cimetière noir de la ville de Jasper, Texas, les restes d'un homme; les genoux et les organes génitaux ont été rabotés, la tête et le bras droit arrachés. Les traces de sang permettent de retrouver un dentier, des clés, et un kilomètre plus loin, le bras et la tête dans un fossé. C'est un lynchage, celui de James Byrd, le dernier exemple de lynchage traditionnel. Il est l'oeuvre de trois hommes, qui veulent venger un Blanc assassiné en donnant une leçon à tous les Noirs. Depuis la guerre de Sécession, Jasper est, selon la communauté noire du lieu, «un endroit où les choses arrivent longtemps après leur temps». » Aux Etats-Unis, le racisme ne se cantonne pas aux ghettos urbains. Dans le Sud profond, il ressurgit parfois, avec une violence qu'on voulait croire oubliée à l'heure où l'Amérique, qui se prépare à élire son 44e président, se prend à rêver d'un Kennedy noir. Précis dans ses références, pointu dans ses analyses, effrayant dans ses descriptions, cet ouvrage s'appuie sur les publications récentes d'historiens américains : jusque dans les années 1990, le lynchage était un sujet tabou. En France, c'est le premier livre qui lui est consacré.
Normalien, agrégé d'histoire, Joël Michel est historien du monde européen mais familier des Etats-Unis. Il a publié, à La Table Ronde, une biographie de Condolezza Rice.
Parfois on fait des choses sans comprendre ce qui nous pousse à les faire. Enfance de l'art... On avance, on cherche, on se perd. J'avais laissé derrière moi mes études et Paris. Je ne connaissais rien à rien, ni l'hébreu ni ce pays. Je n'étais qu'un petit jeune, un citadin, qui aimait les livres, l'art et qui s'est retrouvé à cueillir des oranges et à bosser dans des hôtels pour survivre. J'avais 21 ans. Il y eut des rencontres, la lumière. À chaque occasion, au kibboutz où j'ai vécu puis à Tel-Aviv, je faisais des images. Partout où je traînais, je photographiais, dans les bus, les gares routières, les villes, sur les routes : des visages, la campagne, les plages, des filles. Je marchais dans la poussière de l'été, j'apprenais que la terre pouvait tourner autrement.
Je me souviens de la rue Ruppin à Tel-Aviv. Je m'en souviens grâce aux images.
Elles ont dormi plus de trente ans dans l'appartement parisien de mes parents.
Elles attendaient que je les retrouve. Les planchescontacts sont comme ces petits morceaux de papier japonais dans la tasse de Proust. Elles ne demandent qu'à éclore. Réminiscences, souvenirs mais documents avant tout. Nous sommes entre 1981 et 1985. Après, il n'y aura plus que la couleur pour moi. De Jaffa à Jérusalem, d'Athènes à Marseille, de Palerme à Salonique, autres longues errances... Le noir et blanc d'alors ressemblait trop selon moi à ce qu'il fallait oublier, la nostalgie pseudo-humaniste des années 1950-60, la suprématie d'une certaine vision photographique. Ces images réalisées bras tendu - je ne regardais pas toujours dans le viseur - sont ma conquête personnelle d'une géographie, d'un peuple composite, de tout ce qu'il m'a fallu découvrir.
Photographier pour croire au concret, au réel, à l'ici et au maintenant. Ces images racontent un moment de ma vie, rien d'autre.
Didier Ben Loulou
Le 28 août 1963 - le jour où Martin Luther King Jr déclara : « I have a dream... » sur les marches du Lincoln Memorial à Washington -, deux jeunes femmes blanches furent sauvagement assassinées dans leur appartement de Manhattan. Ce crime, promptement baptisé « Meurtre des Career Girls » - littéralement, le « meurtre des femmes de carrière », les deux victimes étant de jeunes employées de bureau -, propagea la peur à travers toute la ville, et déclencha un conflit brutal entre des forces de police profondément corrompues, cyniques et racistes, et une communauté afro-américaine marquée par la détresse économique, la violence et la drogue.
La cité sauvage s'attache à retracer cet événement crucial et la terrible décennie qui s'ensuivit à travers les parcours de trois hommes aux profils très différents :
- Georges Whitmore Jr, jeune noir de dix-neuf ans, pauvre, quasi-aveugle, appelé à devenir un bouc émissaire - et le symbole vivant de l'iniquité d'une société.
- Bill Phillips, agent effrontément véreux de la police new-yorkaise, qui serait à l'origine du plus grand scandale de toute l'histoire du NYPD.
- Dhoruba Bin Wahad, membre historique du Black Panther Party, dont l'activisme militant ferait l'une des cibles privilégiées des forces de l'ordre municipales et fédérales.
Sur la base d'entretiens avec les protagonistes et d'une analyse détaillée des comptes-rendus de procès, des rapports de police et d'autres archives, T.J. English tisse une narration épique, dont l'injustice et la défiance sont les principaux ressorts. Il révèle - pour la première fois - l'histoire captivante d'une époque où la ville de New York, frappée par l'effroi et la haine, lutta pour sauver son âme, sur fond de bouleversements sociaux, politiques et économiques.
Année 2005
«La France ne connaissait guère la Bretagne que sous la forme du folklore. Les mythes soigneusement entretenus par le lyrisme des kermesses et des banquets députards, ont la vie dure. En quelques mois une série d'attentats signés FLB et l'incarcération de 51 bretons ont sensiblement modifié les leçons apprises. Le scepticisme et le sourire conservent cependant tous leurs droits auprès des "cocardiers".
L'État de France ferait bien pourtant de ne pas sous-estimer les racines du mouvement clandestin et la profondeur de l'interrogation qu'il a posée.
Les membres du FLB ont compris que le plus beau cadeau de la République Française à la Bretagne est d'avoir fait des Bretons un peuple de prolétaires et de déracinés et de la Bretagne une terre de choix pour le tourisme saisonnier et les maisons de retraite.
Aujourd'hui la Bretagne n'a devant elle que l'alternative suivante : ou bien subir la tutelle de l'État Français et poursuivre son train-train d'ennui et de médiocrité, ou bien affirmer sa conscience de peuple majeur et responsable. Pour notre part, nous avons choisi, le FLB fut hier l'adolescence de la révolution que nous saurons faire demain.» Jean Bothorel.
Un pot-de-vin touché par Talleyrand, afin de faciliter une escroquerie montée par deux négociants algériens, provoque un contentieux entre la France et le dey d'Alger. Le souverain, lésé, se laisse aller à donner un coup de chasse-mouche à notre consul. Le dernier gouvernement de CharlesX tint son prétexte pour se lancer à la conquête de l'Algérie.
Pierre Serval, se basant sur des documents irréfutables, démontre que l'expédition d'Alger était, sur le plan extérieur, un moyen sûr de desserrer l'étreinte de l'Angleterre, alors ennemie héréditaire. Mais rien n'eût pu se faire sans un personnage fabuleux et fascinant, âme et chef de l'expédition, ancien chouan et général de l'Empire défectionnaire à Waterloo : le comte de Bourmont. Sa figure hors série ajoute un relief à cette ténébreuse affaire.
De ce livre, dans sa préface, Alain Decaux salue le «sens remarquable de la clarté, le style net et vigoureux» et souligne qu'il est l'oeuvre d'un véritable écrivain. Et Alain Decaux, d'entrée, déclare : «Voilà un livre d'histoire comme je les aime.»
À l'ambassade de Turquie à Moscou, dans la soirée du 29 octobre, Khroutchev est plus loquace que jamais : «Les Hongrois ont toujours été des trouble-fête. La clique Rakosi-Gero a opprimé le pays par une dictature policière stupide... Imre Nagy changera la situation. C'est un brave type. Je l'ai connu à Moscou en 1940». Quittant un cercle d'invités où se trouve Chepilov, Khroutchev répond à un ambassadeur qui lui pose cette question :
- Si les Hongrois demandaient une véritable indépendance, quelle serait votre attitude?
- Je ne ferais pas d'objection à ce que la Hongrie devienne une deuxième Finlande. Je parle de moi, non de mes collègues.
«Si vous sacrifiez mon pays pour sauver la paix du monde, je serai le premier à vous approuver. Sinon, Monsieur, Dieu ait pitié de vos âmes...» (L'ambassadeur de Prague à Londres, Jan Masaryk - fils du fondateur de la République tchécoslovaque - à Chamberlain, la veille de la Conférence de Munich). «Mes bons amis, je crois que, cette fois, c'est la paix pour notre génération!» (Chamberlain, au peuple anglais massé sous les fenêtres du 10 Downing Street, le lendemain des accords de Munich). «Ce n'est pas brillant, mais j'ai fait ce que j'ai pu... Les imbéciles, s'ils savaient ce qu'ils acclament!» (Édouard Daladier, chef du gouvernement français, fêté par cinq cent mille Parisiens à son retour de la Conférence de Munich.) Les 29 et 30 septembre, Daladier, Chamberlain, Hitler et Mussolini se rencontrent à Munich. Ils y signent un accord qui préserve la paix en Europe. Moins d'un an après, ce sera cependant la guerre. Munich est devenu dans l'imagination politique un mot presque magique des vertus duquel on discute encore. Pourtant la froide analyse des événemenst qui ont précédé fait comprendre que, contrairement à la légende, les responsabilités - notamment tchèques et britanniques - ont été équitablement distribuées.
Adversaire déterminé du National-Socialisme, l'auteur, Allemand des Sudètes, réfugié à Londres pendant la guerre, s'opposa pathétiquement à la politique de Benès, agent du panslavisme brutal.
Il croyait aux droits des minorités, mais on ne l'entendit pas. Postdam vint. Les minorités furent expulsées. L'Europe était coupée en deux. Wenzel Jaksch, député à Bonn jusqu'à sa mort en novembre 1966, fut le témoin capital de ce drame dont il nous révèle l'infernal processus.
Viet Nam, deuxième moitié du XXe siècle.
Dès son enfance, Nguyen Huu Giao, de famille royale, bouddhiste fervent et patriote convaincu, découvre la guerre, ses horreurs, son absurdité. Etudiant à Saigon, puis à Hué, il quitte la "dolce vita", se révolte et s'engage en 1966. Son combat solitaire le conduira dans les geôles des nationalistes, puis des communistes. Sa spiritualité lui permettra de surmonter les souffrances subies au cours de ses douze années de "rééducation".
Libéré, il s'expatrie et poursuit, en France, sa carrière d'avocat et sa lutte en faveur des droits de l'homme. La sobriété de son récit illustre la maîtrise extraordinaire de son mental. Ardent est son désir de sortir du cercle de la réincarnation et de rejoindre le Nirvana. Ce livre est à la fois un témoignage poignant et une leçon de la plus haute sagesse. La personnalité rayonnante de Giao transcende les clivages religieux et culturels, elle peut servir de modèle à un Occidental autant qu'à un Asiatique.
On n'est plus tout à fait le même après cette lecture.