Filtrer
Support
Éditeurs
Prix
Tanibis
-
Faux accords, premier tome de Connexions paru en 2020, croisait les histoires de plusieurs personnages situés à un tournant de leur existence. Une opportunité professionnelle, une rupture douloureuse ou bien un accident les mettait souvent face à des choix de vie épineux. Pierre Jeanneau nous embarquait dans un récit choral servi par un dessin nerveux et un dispositif formel original, alliant décors fixes en représentation isométrique et procédés inspirés du théâtre et des jeux vidéos.
Châteaux de sable développe de nouvelles trouvailles graphiques et ajoute de nouveaux fils à la toile narrative. Des personnages apparaissant au second plan du premier tome deviennent les protagonistes de celui-ci, et inversement. À l'instar de Julian et sa soeur Audrey, dont la famille a été percutée de plein fouet par les événements des précédents chapitres, ou de Déborah et Samuel, dont la vie est chamboulée par l'arrivée de leur premier bébé. Tout ce petit monde gravite autour du Rossignol, un squat associatif à l'existence menacée.
Certains rêvent de fonder un foyer, d'autres luttent pour mettre à l'abri une famille d'exilés... Tous, à leur manière, doivent composer avec un environnement urbain qui leur résiste. Intense, émouvant et finalement apaisé, ce deuxième et dernier tomeapprofondit le portrait d'une génération qui tente de se bâtir un avenir. -
James et Hilda Bloggs coulent une retraite paisible dans leur jolie petite maison au milieu de la campagne anglaise. Ils sont tendres et n'ont l'un pour l'autre que des sourires et des mots doux. Leur quotidien s'écoule à un rythme tranquille, bien loin des soucis du vaste monde et des sourdes menaces de la guerre froide.
Mais un jour, leur poste de radio relaie des informations alarmantes : tensions ravivées, frappes imminentes... « Préparez-vous, la Bombe arrive !! », les prévient le gouvernement. Heureusement, James a rapporté de la bibliothèque un guide officiel de survie à une attaque atomique. Pas de panique donc, il suffit de suivre ses instructions le temps que l'alerte soit levée et tout rentrera dans l'ordre. À moins que ?...
Raymond Briggs, auteur britannique jusque-là connu pour ses albums jeunesse, fait paraître en 1982 cette évocation de l'apocalypse nucléaire mêlant tragédie et comédie. Charge féroce contre des États prêts à mettre en jeu la vie de toute une population pour gagner une confrontation internationale, Quand souffle le vent est toujours terriblement d'actualité. C'est également un récit intimiste d'une grande force émotionnelle. S'inspirant de ses propres parents, Briggs campe non sans une certaine causticité un couple de personnages aussi attachants que naïfs, mais toujours animés d'une force de vie qui les pousse à croire au meilleur, jusqu'à l'aveuglement. -
Prévu en deux tomes, Connexions est un récit labyrinthique qui se déroule dans une grande ville contemporaine. Dans chacun des six chapitres de ce premier opus, nous suivons un personnage différent. Son histoire commence dans une pièce, dans un recoin de la page. En se déplaçant, il fait apparaître peu à peu son environnement, en vue isométrique, à la manière de certains jeux vidéos. Pierre Jeanneau parsème son récit de zooms sur des éléments du décor - une photographie, une lettre - autant d'indices permettant au lecteur de reconstituer le passé des personnages. Comme dans un roman de Georges Perec, les lieux et les objets sont partie prenante de la narration. Récit générationnel, Connexions met en scène de jeunes adultes entrant tous dans une nouvelle période de leur vie : changement professionnel, perte de figure parentale, naissance d'un enfant, retour de voyage, etc. Mais on découvrira d'autres connexions entre ces individus dont les vies s'entremêlent subtilement...
-
June est une jeune femme hypersensible qui déborde d'amour pour la nature et les animaux. Elle travaille dans un cabinet vétérinaire d'une métropole nord-américaine où elle vit avec Brad. Mais une opportunité professionnelle pour ce dernier les oblige à déménager dans une belle maison moderne au coeur d'un lotissement anonyme.
Pendant que Brad se consacre corps et âme à son nouveau travail, June se sent désoeuvrée et peine à se projeter dans ce nouvel environnement. Un jour, elle recueille une étrange créature mal en point et l'installe dans leur sous-sol. Une relation mystérieuse naît entre elle et cet être qu'elle baptise « Lenny ». Ce dernier se révèle drôle et attachant, mais peut-être pas tout à fait inoffensif...
Ouvrant la voie à de multiples interprétations, Oh, Lenny ne cesse de surprendre tout au long de son intrigue monstrueuse. D'abord huis-clos domestique retraçant l'évolution d'un ménage à trois grotesque, le récit mute petit à petit en drame horrifique qui joue de la fascination que peut exercer la nature sauvage, tour à tour belle et toxique. En plus de 300 pages dessinées dans un élégant style ligne claire, l'auteur du Dernier cosmonaute nous embarque pour un voyage aux confins de la folie, dressant au final un portrait de femme complexe et nuancé. -
Sur les routes sinueuses qui mènent à Syracuse, une voiture rouge fend l'air lugubre. Le conducteur, Matteo, mycologue de profession, se rend dans la ville de son enfance pour y donner une importante conférence. Mais entre la rencontre avec un auto-stoppeur inquiétant et une sortie de route inopinée, rien ne se passe normalement.
Enfin arrivé à destination, Matteo redécouvre une ville de Syracuse métamorphosée. À la recherche de repères, il erre dans la cité devenue labyrinthe de décombres et de souvenirs, et croise de vieilles connaissances : Carlo, Tancrède, Valentina... autant d'anciennes relations qu'il croyait disparues se débattent dans un monde corrompu par la Piovra Nera, organisation tentaculaire qui a la main mise sur la ville. En tant qu'ancien membre de cette pègre, Mattéo se retrouve se confronté à ses démons. Guidé par le speaker d'une mystérieuse radio pirate, il se lance dans une fuite éperdue. Rencontrée sur son chemin, la botaniste Grazia semble se détacher de ce monde de fantômes où le temps et l'espace obéissent à d'étranges règles...
Pour leur première collaboration, les deux auteurs proposent un récit de mafia teinté d'absurde et de fantastique dans lequel la gravité des thèmes abordés sont contrebalancés par la douceur du dessin de Duffour et l'onirisme du scénario d'Alexandre Kha. -
Roxane, jeune fêtarde fauchée, enchaîne les beuveries et les après-midi d'ennui. Pour arrondir ses fins de mois et pimenter son quotidien, elle décide de vendre ses sous-vêtements sur internet.
Roxane vend ses culottes retrace ses premiers pas, de la création de son profil coquin aux rendez-vous avec des client·e·s aux pratiques plus ou moins excentriques... On suit également Roxane dans sa vie quotidienne, faite de soirées arrosées avec sa colocataire, d'histoires d'amour avortées et de repas interminables avec une mère envahissante. Mais sa nouvelle activité confronte bientôt Roxane à un monde étrange, bien différent du sien. Dans quel engrenage a-t-elle mis le doigt ?
Enchaînant les séquences tour à tour gênantes, hilarantes, glauques ou touchantes, Roxane vend ses culottes donne à réfléchir sur les limites de la prostitution, la notion de consentement ou encore les rapports de domination économique dans un monde où tout se vend et se négocie.
Armée de son style expressif et d'un sens du détail certain, Maybelline Skvortzoff revisite avec un humour trash et féroce les codes du soap opera et dresse le portrait d'une jeune femme à la fois paumée et déterminée qui peut rappeler la série Fleabag de Phoebe Waller-Bridge par son humour grinçant et sa liberté de ton.
Maybelline Skvortzoff naît en 1993 à Paris d'une mère cambodgienne et d'un père russe. Elle ingurgite à l'adolescence des dizaines de films d'horreur ou encore les bandes dessinées de Robert Crumb et Joe Matt, puis part étudier la bande dessinée à Bruxelles. Roxane vend ses culottes est son premier album. -
Dix ans après le premier recueil de ses tribulations abracadabrantes, Paolo Pinocchio l'infernal pantin menteur revient sous le pinceau de Lucas Varela pour une aventure au long cours.
La dernière comédie de Paolo Pinocchio retourne aux origines du personnage puis, naviguant de la genèse à notre présent dystopique, propose une nouvelle cosmogonie sous stéroïdes qui puise sans vergogne son inspiration dans la démonologie de l'ancien testament, la Divine Comédie de Dante, la mythologie grecque ou encore la commedia dell'arte.
Comme dans un comic de super-héros, Paolo Pinocchio virevolte d'aventure en aventure, alternant facéties et tragédies, chassant là un diamant (évidemment magique) dans la Venise de la Renaissance, croisant ici une révolte de poissons désireux de se venger de leur créateur. Au coeur de ce maelstrom narratif servi par l'élégante ligne claire de Lucas Varela, se trouve un talisman, objet de toutes les convoitises... le nez de Paolo ! Au fil d'une mise en page dynamique, le récit n'en finit pas d'ouvrir ses tiroirs, d'aligner les mondes parallèles et de nous entraîner dans une chute vertigineuse... aux sources du mensonge primordial, celui qui est à l'origine de toute création.
La dernière comédie de Paolo Pinocchio est l'un des rares projets dont Lucas Varela signe à la fois le dessin et le scénario. Il en profite pour nous livrer une oeuvre majeure alliant aventure fantastique et commentaire satirique sur l'acte de création.
Et si vous n'aimez pas, on vous rembourse, parole de pantin ! -
Habitant d'une ville fantôme des États-Unis, Larry, la trentaine, survole la banalité du quotidien : entre un patron alcoolique, un père disparu, une chambre chez sa mère, il se laisse porter par ses rêves d'enfant, accroché à ses fantasmes de voyages stellaires et à la compagnie de Teddy, ours en peluche sentencieux. Dans la même ville Alice, jeune femme solitaire, sent que sa vie tourne en rond. Pour tuer l'ennui, elle joue tous les jours de l'orgue dans une église... vide. Mais tout comme Larry, elle a ses rêves : fonder une famille, avoir un enfant.
Tandis qu'un astre mystérieux se rapproche du système solaire, un soir passé dans une laverie automatique à contempler tournoyer chaussettes et culottes réunit Alice et Larry : les premiers pas de leur histoire chamboulent la monotonie insouciante de Larry. Tourmenté par la peur de l'inconnu, il vit la nuit qu'ils passent ensemble comme une épopée cosmique, Aurélien Maury constituant un univers symbolique où trous noirs, vaisseaux et failles temporelles guident ce cosmonaute allégorique vers sa propre destinée. -
Maine, années 1980. Une galerie de personnages hauts en couleur habite autour d'une baie calme et préservée. M. Jones, magnat du pétrole qui projette d'y implanter une raffinerie, est assassiné par un avion télécommandé lors d'une partie de pêche. Qui a tué Jones ? M. Kane, le paysan du cru qui voit les nouveaux arrivants d'un mauvais oeil ? Valérie, l'ancienne fille de joie reconvertie dans le jardinage, mais également un peu sorcière ? Joe McLoon, le desperado retranché, entouré de motos, d'armes et de maîtresses ? Ou encore Steve Goodrich, l'acteur hollywoodien à la retraite pour qui le monde est un plateau de tournage ? Les suspects ne manquent pas et chacun a son mobile. Soumis au regard scrutateur et aux pouvoirs psychiques de l'inspecteur Jim Brady, chacun à son tour va révéler les secrets de son inconscient, permettant au lecteur d'assembler les différents morceaux de l'intrigue.
Fruit d'une collaboration entre Paul Kirchner et l'auteur de polars néerlandais Janwillem Van de Wetering, Meurtre télécommandé est initialement publié aux États-Unis en 1986 et reste à ce jour le seul récit long du créateur du bus et de Dope Rider. Le scénario, écrit sur mesure, dissèque l'âme américaine et met au jour ses tiraillements et ses contradictions. Il permet aussi à Paul Kirchner de donner corps aux visions de Jim Brady via des séquences hallucinatoires déclinées dans de spectaculaires splash pages. Elles nimbent l'enquête d'une atmosphère mystérieuse qui n'est pas sans évoquer la série télévisée Twin Peaks, sortie quelques années plus tard. -
La voie de l'éveil intérieur est longue et délicate. Sauf si l'on trouve un raccourci dans son sous-sol, via une machine à laver magique... C'est ce qui arrive à Daisy, une jeune adolescente nouvellement arrivée dans son lycée et qui a du mal à se faire des amis. Une dimension supérieure, pleine de vibrations étranges et de sensations bizarres, habituellement cachée et uniquement accessible aux esprits éclairés, devient son terrain de jeux sacré.
Mais la pureté et l'innocence n'ayant qu'un temps, ce jardin d'Eden sera rapidement envahi et profané par d'autres, moins sensibles à sa fragilité. En 96 pages, Jesse Jacobs nous raconte cette fable new age de paradis perdu et d'enfants plus tout à fait innocents avec un dessin faussement naïf et une approche détonante des couleurs, opposant la monochromie de la réalité suburbaine subie par les personnages à la palette acidulée du monde artificiel dans lequel ils se réfugient. Comme dans ses autres ouvrages publiés chez Tanibis, les pages purement narratives sont entrecoupées de séquences fantasmagoriques dans lesquelles Jacobs, mêlant régularité géométrique et imagination psychédélique, donne à voir les créatures et les sensations indicibles qui peuplent cet espace secret. Sous la maison, initialement publié au Canada par Koyama Press, est le troisième roman graphique de Jesse Jacobs.
-
De livre en livre, Jesse Jacobs bâtit un monde régi par des lois physiques biscornues et peuplé d'espèces improbables, un monde dans lequel la banalité du quotidien se retrouve insidieusement déformée par l'étrange. Compilant deux récits publiés à l'origine par l'éditeur italien Hollow Press, ce nouvel opus n'échappe pas à la règle.
Entre mes murs suit un jeune couple en visite immobilière. Vécue comme une intrusion, cette visite est racontée du point de vue de la maison. Car oui, entre autres particularités, la maison est vivante. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est hostile au genre humain...
Le deuxième récit Parmi les bêtes relate l'histoire d'un enfant recueilli et élevé par des créatures étranges mais attentionnées au milieu d'une lande inhospitalière. Il partage ses observations, décrit le mode de vie et les comportements de l'espèce, d'une bizarrerie aussi merveilleuse que répugnante. Mais les monstres ne sont peut-être pas ceux que l'on croit...
Empruntant ses thématiques au cinéma d'horreur, Jesse Jacobs met son dessin méticuleux au service de deux contes fleurant bon la noirceur et la misanthropie.
-
Paolo Pinocchio est un maudit pantin qui défie les lois de l'Homme et de l'Enfer. Il promène son cynisme du royaume des morts à celui des vivants, traversant les époques et les imaginaires mythiques.
De l'enfer dantesque à la Venise de Casanova, en passant par l'univers des contes de fées, chacune de ses aventures est l'occasion de montrer un monde grouillant de débauche où il n'est de salut pour personne. Les péripéties de Paolo Pinocchio mêlent allègrement les représentations traditionnelles du vice et de la vertu à la satire de l'époque contemporaine.
-
Premier album de l'autrice canadienne gg après plusieurs récits courts, Je ne suis pas là délivre une réflexion subtile sur l'impermanence des choses, la mémoire et l'aliénation. Une jeune femme, immigrée de seconde génération, s'occupe tant bien que mal de ses parents âgés. Seule face à ses responsabilités familiales, elle semble trouver un exutoire dans la pratique amateure de la photographie au cours de dérives urbaines.
Au cours d'une balade, elle photographie par hasard quelqu'un qui lui ressemble. Le récit bascule, l'héroïne se retrouvant confrontée à ce que sa vie pourrait être... Formellement, Je ne suis pas là fait à la fois preuve de sophistication et de sobriété. Avec son dessin semi-réaliste aux niveaux de gris profonds, un montage qui semble emprunter au cinéma de la nouvelle vague certains, gg parvient à créer une atmosphère trouble et mélancolique, à nulle autre pareille.
-
Initialement publiés dans Heavy Metal, la version américaine de Métal Hurlant, les strips de the bus furent pendant de nombreuses années un des piliers de la revue. À partir du plus insignifiant des quotidiens - un homme qui attend son bus - Kirchner bâtit un univers désopilant et vertigineux. En 6 ou 8 cases, sans dialogue, cette situation ordinaire bascule dans la quatrième dimension, la ville est transfigurée en un labyrinthe surréaliste. À l'instar de Little Nemo, le bus met en scène un univers de papier abyssal où l'extraordinaire peut surgir de toute part. Les bouches à incendies prennent vie ; un bus sombre dans la délinquance ; l'image est soudain rappelée à sa planitude ; l'horizon vers lequel file le bus n'est plus qu'à une portée de main... Entre exercice oulipien et flânerie ludique, ce joyau surréaliste méconnu aura attendu 25 ans cette première publication en France.
L'ouvrage rassemble l'intégralité des strips réalisés par Paul Kirchner, soit une dizaine de plus que l'édition originale publiée aux États-Unis en 1987 par Ballantine. Paul Kirchner a par ailleurs spécialement écrit une postface, réalisé une nouvelle couverture et diverses illustrations inédites. À noter enfin que parallèlement à cette version française, une édition en version originale a été réalisée.
Né en 1952, Paul Kirchner a longtemps été l'assistant de Wally Wood, dessinateur légendaire notamment connu pour ses publications chez EC comics. Paul Kirchner en a gardé un dessin classique et méticuleux. Il fut également l'auteur dans les années 70 du western psychédélique The Dope Rider, dont certains épisodes sont parus en France dans L'Écho des Savanes.
Ouvrage traduit de l'anglais par Patrick Marcel. -
Les strips de The Bus furent initialement publiés entre 1979 et 1985, oubliés, puis réédités en album par Tanibis en 2012.
30 ans après sa mise au dépôt, alors que le tour semblait bouclé, Le Bus reprend du service. Dépoussiéré, huilé, le véhicule sort du garage, l'homme à l'imperméable se poste à l'arrêt. C'est reparti pour un tour ! Les failles spatio-temporelles et les incursions incongrues du fantastique parasitent de nouveau avec brio et inventivité ce trajet routinier vers l'inconnu.
Le Bus 2 est plus que jamais une porte vers tous les possibles : à son approche la réalité vacille, les dimensions s'entremêlent, les rôles s'inver-sent. Si le bus en lui-même est toujours le même, quelques détails, comme les téléphones « intelligents » et le look des passagers, ancrent ces histoires dans le XXIe siècle. Mais on saisit surtout que l'humour absurde de Paul Kirchner est d'une vitalité indémodable. L'artiste se joue des époques, ajoutant à ses strips une pointe de mélancolie qui les rend encore plus percutants. Son univers, sous l'incidence croisée des ta-bleaux de Magritte, de la série télévisée La Quatrième Dimension ou encore des pastiches de Mad Magazine, n'a pas pris une ride.
Le Bus avait été retenu dans la sélection Patrimoine du festival d'Angoulême en 2013.
-
À première vue, le monde de Mauretania ressemble au nôtre. On y prend le bus ; on y enchaîne les petits boulots ; on s'y remémore le passé avec nostalgie... Mais plus on le regarde de près, plus il paraît étrange. On y croise un détective enquêtant sur des immeubles qui disparaissent du jour au lendemain ; on tombe au coin de la rue sur une arche romaine qui semble avoir été construite la veille ; on y rencontre enfin « Monitor II », personnage énigmatique investi d'une lourde mission : veiller à l'équilibre du monde... Cette anthologie réunit de nombreux récits publiés à l'origine au Royaume-Uni entre 1985 et 1990 dans lesquels les règles du temps et de l'espace, ainsi que de la causalité sont malmenées, tordues, jusqu'à l'absurde. On voit poindre dans Mauretania des ingrédients issus du récit de genre - on y trouve par exemple des éléments de science-fiction, des enquêtes policières... - et un discret humour tout britannique. Mais de la même façon que le monde qu'il bâtit semble comme altéré, Chris Reynolds, que le dessinateur Seth décrit comme « l'auteur le plus sous-estimé des vingt dernières années », prend un malin plaisir à tordre les structures narratives classiques, à déjouer les attentes des lecteurs pour produire quelque chose d'indicible et de mystérieux.
-
Nicolas Marlin, surfeur professionnel, traverse une passe difficile. Sa participation au contest de San Telmo, un spot qu'il déteste, s'avère encore une fois un désastre. Les vagues sont traîtresses, la chaleur étouffante, d'étranges manoeuvres militaires ont lieu dans la baie - et pour couronner le tout, son grand-père, un personnage charismatique mais autoritaire, réapparaît après plusieurs années d'absence.
La survenue d'une vague extraordinaire sera l'occasion pour Nicolas de se plonger littéralement dans sa mémoire et ses angoisses les plus profondes. Jouant avec les codes du récit de surf et convoquant une esthétique rétro inspirée des jeux vidéos des années 1990, emg réalise une oeuvre surprenante, à la fois grave et légère, tenant autant du conte psychanalytique que de la série B. Comme avec son premier album tremblez enfance Z46, emg propose un récit d'aventure trépidant et hors-norme qui explore les possibilités du dessin électronique.
Il met ici au point une sorte de pointillisme 2. 0 pour dépeindre les éléments déchaînés qui submergeront Nicolas Marlin. Et vous, êtes-vous prêt à affronter la vague gelée ?
-
Trente ans après une première salve d'aventures (voir l'anthologie En attendant l'Apocalypse), Dope Rider remonte en selle pour une série de récits en une planche. Le cow-boy fétiche de Paul Kirchner est resté le même, ses activités se résumant essentiellement à rouler des joints, fumer des bongs, ou encore courir après ses hallucinations dans des rêveries métaphysiques... Mais de fréquentes déchirures dans la trame de la réalité conduiront Dope Rider à croiser sur sa route aussi bien John Wayne que les Loney Toones, à participer à la mission Appollo 11, ou encore à voyager dans des versions revues et corrigées de la Batmobile et du sous-marin jaune des Beatles.
Se jouant de la perspective comme de la langue et des barrières culturelles, ces planches sont pour Paul Kirchner l'occasion d'inventer des paysages oniriques originaux tout en convoquant une multiplicité de références, issues aussi bien de la culture pop récente que de la contre-culture hippie, des cosmogonies amérindiennes que de l'âge d'or des années 1950. Comme si le projet-même était un prétexte pour revisiter le patrimoine mythologique américain, dans toute sa diversité.
Quoiqu'il en soit, Dope Rider ne s'amuse (et n'amuse) jamais autant que lorsque qu'il renvoie dos-à-dos des élucubrations new age et la réalité, semblant pointer l'absurdité de toute chose. Dope Rider se moque de tout et reste finalement très humain dans son attachement pragmatique à la satisfaction de son besoin de base : se défoncer.
-
La nature, surtout dans sa version forêt vierge, n'est pas un terrain de jeux lumineux et accueillant. C'est au premier abord, pour les héros citadins de Safari Lune de Miel et leur guide aguerri, un repaire grouillant de créatures hostiles et de plantes toxiques que les brochures touristiques oublient en général de mentionner : araignées cyclopes, mille-pattes géants, anémones de terre, singes télé-pathes et autres insectes intrusifs. Même les paysages traversés par notre couple d'amoureux et leur guide sont déroutants, avec leurs anomalies spatio-temporelles ou leur construction digne d'un géo-mètre maniaque fan de M.C. Escher. Les aventures qui attendent nos personnages, entre action bien virile et séquences hallucinatoires, sont prétextes à décrire, en une élégante trichromie verte, une nature fantasmagorique qui se révélera être bien plus qu'un simple décor. Face à cet environnement déroutant, chaque membre du trio d'explorateurs-touristes réagira à sa façon, évoluant vers une ac-ceptation mystique tendance New Age ou, au contraire, campant sur ses positions de citadin exigeant. Jardin d'enfant, Jardin d'Eden, ou monstrueux Jardin des Délices Boschien, chacun verra la nature avec des yeux nouveaux.
Ici comme dans .Et Tu connaîtras l'Univers et les Dieux, la précédente fable cosmogonique de Jesse Jacobs, l'univers n'est ni entièrement hostile ni entièrement bon. Tout est lutte entre des principes opposés : Ablavar et Zantek, le bien et le mal, le vénéneux et le comestible ou encore le parasite...
-
En attendant l'apocalypse ; travaux choisis, 1974-2014
Paul Kirchner
- Tanibis
- 9 Novembre 2017
- 9782848410432
Après avoir remis le bus de Paul Kirchner en orbite avec deux volumes publiés en 2012 et 2015, Tanibis poursuit son exploration des mondes divergents de l'auteur américain à travers une anthologie rassemblant des récits courts et illustrations réalisés dans les années 70 et 80 pour divers magazines emblématiques de la contre-culture, ainsi que d'autres travaux plus récents, parfois inédits. On y croise Dope Rider, sac d'os défoncé poursuivant des quêtes improbables dans un univers psychédélique que l'on pourrait situer entre les westerns de Sergio Leone et les tableaux de Salvador Dalí. Alternant non sequiturs et logique floue, les aventures de Dope Rider, publiées en leur temps dans le magazine High Times, sont également pour l'auteur une façon de s'essayer à une forme singulière de poésie graphique. Dans une même veine subversive, l'ouvrage reprend également une sélection d'histoires où il est question d'invasion sextraterrestre, de voyages spirituels vers des mondes shamaniques, d'univers totalitaires inspirés de la société des abeilles ou encore, littéralement, de l'Apocalypse biblique. Enfin, En attendant l'Apocalypse rassemble une bonne partie des couvertures réalisées par Kirchner pour le magazine pornographique Screw. On y retrouve son trait précis et son goût pour l'humour et le surréalisme.
-
Cité irréelle rassemble cinq histoires où il est question de passion et de haine, d'amour et de cruauté, d'hommes et de femmes jouant au chat et à la souris, cinq histoires déstabilisantes où, comme dans un film de David Lynch, les apparences sont souvent trompeuses. L'auteur s'amuse à plonger ses personnages tourmentés dans un univers mouvant, plein de chausse-trappes. Pour retranscrire les émotions complexes et parfois contradictoires qu'ils ressentent, il met en oeuvre des structures narratives sophistiquées. Il construit ainsi un des récits comme un ruban de Moebius, donne à un autre une structure en miroir, il alterne les points de vue et multiplie les faux-semblants tout en restant toujours assez clair pour ne pas perdre le lecteur. Le graphisme de Bryant impressionne nos rétines par sa finesse, sa précision et sa diversité. Son trait n'est pas sans rappeler celui de Daniel Clowes (influence revendiquée, puisque celui-ci sert de modèle à un personnage), mais aussi celui de Steve Ditko ou encore des cartoons Hanna-Barbera. Cité irréelle est le premier livre de l'auteur américain DJ Bryant, diplômé de l'Art Institute de Seattle.
-
Ville de Catalogne bâtie au coeur d'une zone volcanique, Olot est réputée pour être le seul endroit au monde, hors de l'Île de Pâques, où l'on peut trouver une statue moai. De ce point de départ, le narrateur met en exergue divers phénomènes troublants liés à la ville : meurtres en série, manifestations paranormales, comportements déviants ou encore observations d'OVNI. À en croire Dr Alderete, Olot est peuplée de pirates sanguinaires, de savants fous et autres amateurs de faits alternatifs. La mise en parallèle de leurs histoires dresse le portrait fragmenté d'une ville inquiétante, qui semble en proie à une malédiction. En alternance avec ces chapitres traités en couleurs, des passages en noir et blanc mettent en scène un mystérieux personnage anonyme, répétant un parcours quasi-rituel dans la ville et la zone marécageuse qui la borde. À l'instar des agents Scully et Mulder, Dr Alderete nous emmène aux frontières du réel avec ce récit à mi-chemin entre le documentaire et la fiction paranoïaque.
Sa ligne claire épaisse et ses compositions psychédéliques soulignent avec brio comment l'étrange peut pénétrer les interstices de la réalité...
Artiste prolifique, Dr Alderete est argentin et vit Mexique. Il a illustré de nombreux livres, dont plusieurs ouvrages sur l'Île de Pâques. Olot est sa première bande dessinée en tant qu'auteur complet. -
Un après-midi d'été dans une station balnéaire. Un vendeur de glaces vient de subir une attaque à l'acide par un trio d'adolescents. Deux des suspects, dont l'un est gravement blessé, sont appréhendés dans une piscine vide. Le troisième, Julien, a disparu. Qui a fait quoi ? Et, au-delà de la question de la culpabilité, qui est responsable ? Dans cet avenir hypothétique où l'hôpital et la police ont fusionné, l'inspectrice-oncologue Lili Stuf et son assistante font passer aux jeunes suspects une batterie d'examens médicaux et de tests psychologiques afin de tenter de reconstituer le fil des événements.
L'enquête n'est pas facilitée par la ressemblance troublante entre les deux adolescents - un garçon et une fille aux caractères bien différents mais à l'apparence strictement identique. Pendant ce temps, Julien reste introuvable. A moins que ? ... Tout comme le lecteur, les enquêteurs seront d'abord déboussolés. Mais les uns et les autres possèdent tous les éléments pour établir une vérité... Avec son style elliptique et tridimensionnel si caractéristique EMG, propose une histoire à facettes d'une intrigante beauté, tenant autant du thriller hitchockien que de la réflexion sur la justice. -