Initialement paru en 1965, Du tissage retrace le passage de l'artisanat à la production industrielle, soulignant toute l'importance de la matérialité et les innovations créatives apparues à chaque fois que des questions de design ont été résolues à la main.
En plaçant les matériaux et le métier à bras au coeur de sa réflexion, Anni Albers rend compte des limites imposées à la créativité et au savoirfaire par la technologie et la production de masse, plaidant pour un retour à l'ingéniosité humaine aujourd'hui devenu essentiel. Sa prose limpide, captivante, s'accompagne d'une foule d'illustrations dont la grande richesse met en lumière l'histoire du médium : schémas à la main, détails de textiles précolombiens, études réalisées à partir de grains de maïs, de papier ou à la machine à écrire accompagnent de précieuses reproductions de ses propres oeuvres.
Cette édition augmentée, qui place Du tissage à la portée d'une nouvelle génération de lecteurs, substitue aux illustrations en noir et blanc de l'édition originale des photographies en couleur. S'y ajoutent une postface de Nicholas Max Weber et deux essais de T'ai Smith et Ida Soulard qui apportent un éclairage inédit sur l'artiste et sa carrière.
d'oú vient cette obsession de l'interactif qui traverse notre époque ? après la société de consommation, après l'ère de la communication, l'art contribue-t-il aujourd'hui à l'émergence d'une société rationnelle ? nicolas bourriaud tente de renouveler notre approche de l'art contemporain en se tenant au plus près du travail des artistes, et en exposant les principes qui structurent leur pensée : une esthétique de l'interhumain, de la rencontre, de la proximité, de la résistance au formatage social.
son essai se donne pour but de produire des outils nous permettant de comprendre l'évolution de l'art actuel : on y croisera felix gonzalez-torres et louis althusser, rirkrit tiravanija ou félix guattari, et la plupart des artistes novateurs en activité.
Un portrait intime de l'une des plus grandes peintres américaines du XXe siècle, à travers une collection d'entretiens inédits avec des artistes, des historiens d'art et des personnalités proches de Joan Mitchell.
Considérée comme l'une des voix les plus vives de la peinture dans la seconde moitié du XXe siècle, figure de la scène new-yorkaise dès le début des années 1950, Joan Mitchell a développé une oeuvre gestuelle singulière et vibrante, caractérisée par une recherche toujours reconsidérée de la couleur et de la lumière et un rapport intime aux paysages, marquée par un rapport privilégié avec la peinture européenne du tournant des XIXe et XXe siècles aussi bien que par une sensibilité toute particulière à la musique et à la poésie.
De Paul Auster à Zuka, cet ouvrage rassemble des entretiens menés par Guy Bloch-Champfort avec des personnalités ayant côtoyé Joan Mitchell. Grâce à ces conversations inédites, nous apparaît une Joan Mitchell vivante, intime, nous révélant nombre de traits inconnus, fondamentaux pour la compréhension de l'artiste.
Rêvées pendant des siècles, les oeuvres créées par les intelligences artificielles sont devenues des réalités concrètes en littérature et en art, désormais exposées et lues. Comment analyser, attribuer, juger de telles oeuvres qui nous font entrer dans la vallée de l'étrangeté ? Quelles sont en retour les conséquences de telles innovations sur notre compréhension du champ artistique ? Comment la critique se doit-elle de réagir face à de telles créations, qui remettent radicalement en question l'ensemble des concepts et des valeurs esthétiques anciennes centrées sur l'humain ? Peut-on simplement les aimer et en être ému ? Voilà quelques-unes des questions de cet ouvrage, le tout premier consacré aux créations des IA et aux problèmes qu'elles posent.
Publié suite au colloque international éponyme organisé par l'Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle en 2021.
Une étude sur les représentations de la séropositivité et du sida dans l'art américain et européen.
La crise du sida est un tournant majeur de l'histoire contemporaine, en art aussi. Ce livre s'intéresse à son impact sur les artistes et activistes américains et européens, du premier recensement des cas de la maladie, en 1981, à la révolution thérapeutique de la fin des années 1990. De Cindy Sherman à Derek Jarman, de Niki de Saint Phalle à Jeff Koons, de Gilbert & George à Jenny Holzer, de Michel Journiac à David Wojnarowicz, d'Izhar Patkin à Zoe Leonard, ou dans ce que produit ACT UP, on repère le même saisissement dans les représentations qui ne pouvaient alors plus être les mêmes, et pour cause.
Les images sont habitées par tout ce qui travaillait les sociétés occidentales au temps de l'épidémie, et d'abord le pire d'elles-mêmes, qui se défoulait dans un espace social miné par la crise. Elles s'en souviennent, comme des forces de résistance qui lui furent opposées. Elles sont les témoins de la volonté intraitable de ne rien céder, mais également de sortir par tous les moyens d'une situation bloquée.
À partir de très nombreuses représentations visuelles, ce récit de la crise épidémique ouvre ainsi sur une histoire politique, économique et sociale de cette époque fatalement hantée par la catastrophe.
Cet ouvrage est issu d'une thèse ayant reçu la « Mention spéciale », Prix de thèse de l'université Paris-Sciences-et-Lettres (PSL) 2019 (catégorie « Sciences humaines et sociales »), le Prix de thèse 2019 de l'École doctorale 441 d'histoire de l'art-Équipe d'accueil du Centre de recherche Histoire culturelle et sociale des arts (HiCSA), université Paris 1 Panthéon Sorbonne et le Prix de thèse en histoire de l'art 2018 de la Commission de la recherche de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Si l'histoire des rapports entre Paris et New York est bien connue, celle des relations entre Paris et Dakar l'est beaucoup moins. Entre la France et le Sénégal, la circulation des objets, des artistes et des idées atteste des rapports de force qui agitèrent la scène artistique dans les années 1950 à 1970, marquées par le processus de décolonisation et la guerre froide. De l'élaboration d'un art moderne national au Sénégal, à la contestation de la politique de coopération mise en place entre les deux pays, des expositions « Picasso » ou « Soulages » organisées à Dakar dans les années 1970, à l'exposition d'art contemporain sénégalais organisée à Paris en 1974, une géopolitique des arts se mettait en place, au coeur de laquelle plasticiens et cinéastes jouèrent un rôle actif.
Transnational et transhistorique, cet ouvrage s'inscrit dans le champ d'une histoire de l'art mondialisée, et invite à décentrer les regards pour envisager l'histoire de l'art de ces années à nouveaux frais. Il permet également de repenser l'historiographie communément admise au sujet de la globalisation de l'art contemporain, en démontrant que « tout » ne commence pas dans les années 1990.
Considérer l'avant-garde et la contre-culture, lorsque règne une platitude généralisée permet d'approfondir la compréhension de phénomènes sans recourir uniquement à des discours idéologiques. Cependant compte tenu du sujet il s'avère impossible de le traiter sans prendre parti de façon passionnée. Sans prendre de risque, sans déranger l'existant, point d'avant-garde. Pour ces trois auteurs l'avant-garde est un état d'esprit, une attitude de vie.brCet ouvrage démontre qu'entre l'avant-garde et la contre-culture existent des similitudes, mais également des différences : les uns construisent en se projetant davantage dans un futur utopiste, tandis que les autres adoptent une attitude de résistance qui privilégie l'ici et le maintenant.brLectures philosophique, sociologique et parole d'artiste contribuent à dessiner une méthode. Celle-ci, en croisant ces trois points de vue, tente de répondre à une question primordiale : qu'est-ce qu'un changement dans l'expression artistique ?brMéthode qui interroge à la fois sur le milieu artistique et ses acteurs, le contenu de leurs oeuvres et les ruptures que provoque leur imaginaire.
L'historienne de l'art Anne Lafont livre une étude inédite sur les relations étroites et paradoxales de l'art et de la race à l'époque des Lumières. Une nouvelle voix dans les travaux actuels sur les questions de race, d'art, d'images et de colonies.
En se fondant sur un corpus d'oeuvres d'art connues et moins connues, l'auteure revisite les Beaux-Arts au XVIIIe siècle sous l'angle de la représentation des Noirs, figures qui, non seulement, articulent savoirs anthropologiques et expériences esthétiques, mais aussi histoire du luxe métropolitain et histoire de l'esclavage colonial. Ce livre est fondé sur une recherche de plus de dix ans sur les formes qu'ont prises les figures de l'Africain et de l'Africaine dans l'art continental et colonial français d'avant l'imaginaire abolitionniste. Il couvre les cultures visuelles et artistiques qui vont de la fin du XVIIe siècle - à l'époque de Coypel, Mignard, Largillière... - quand les colonies antillaises commencèrent à percer dans le champ artistique métropolitain, au premier tiers du XIXe siècle - à l'époque de Girodet, Benoist et Léthière jusqu'à Géricault... - quand l'échec de la première abolition de l'esclavage (1802) durcit l'iconographie partisane, mettant la violence des vies dans les plantations à l'ordre du jour de la création artistique.
La première étude consacrée au mouvement de l'art écologique et environnemental américain.
Comment un mouvement artistique entièrement consacré à l'écologie et apparu aux États-Unis au cours des années 1960 a-t-il pu passer pratiquement inaperçu jusqu'à aujourd'hui ? Telle est la question au coeur de cet ouvrage qui retrace les conditions d'émergence et le développement de corpus entièrement dédiés à la cause environnementale.
Entre découvertes et nécessaires mises au point définitionnelles, Bénédicte Ramade procède à des analyses plurifactorielles, révise les faux-semblants et affirme ainsi le caractère précurseur de cet Art écologique au regard de l'Anthropocène. Dans cette nouvelle perspective théorique et culturelle, le potentiel visionnaire et l'inventivité des démarches d'Agnes Denes, Joe Hanson, Helen Mayer Harrison et Newton Harrison, Patricia Johanson, Bonnie Ora Sherk, Alan Sonfist et encore Mierle Laderman Ukeles prend une envergure inédite.
Premier ouvrage à être dédié à ce mouvement, Vers un art anthropocène. L'Art écologique américain pour prototype postule une histoire singulière et un cadre théorique essentiels à la compréhension des enjeux de l'écologie dans les pratiques artistiques actuelles.
Une enquête sur les enjeux à la fois artistiques et politiques de l'art participatif, depuis les années 1990.
Jeremy Deller propose aux anciens mineurs d'Orgreave de participer à la reconstitution historique en costume de l'émeute ouvrière anglaise de 1984. Javier Téllez organise avec les patients de l'hôpital psychiatrique de Tijuana la propulsion d'un homme-canon par-dessus la frontière américano-mexicaine. Thomas Hirschhorn invite les habitants d'un quartier du Bronx à construire un monument en l'honneur du philosophe Antonio Gramsci. Une peau de cerf sur les épaules, Marcus Coates rencontre les résidents d'HLM à Londres et réalise une consultation spirituelle du lieu, en qualité de chaman.
Ces pratiques artistiques contemporaines forment une nouvelle galaxie étrange, qu'on appellera ici art en commun. Il s'agit de créer dans l'espace social plutôt que dans l'atelier ; sur une longue durée et avec d'autres plutôt qu'en son for intérieur ; de façon collective plutôt que démiurgique. L'oeuvre n'est pas le fruit du travail de l'artiste seul, mais celui d'une collaboration en présence entre artiste et volontaires.
Ce dispositif artistique bouleverse notre conception de l'art et nos catégories esthétiques. Mais il revêt aussi une dimension politique, en s'emparant des questions de participation et de communauté qui comptent parmi les enjeux les plus cruciaux des tentatives actuelles de vivification de la démocratie, comme de la reconfiguration de nos manières de vivre.
Cet ouvrage propose d'interroger les liens entre participation en art et en politique dans le contexte démocratique et néolibéral qui est le nôtre. Et de penser comment l'art en commun peut contribuer à la réinvention des formes possibles du collectif.
Un état des lieux complet des études sur la culture visuelle, de ses origines dans l'histoire de l'art aux perspectives actuelles ouvertes par les nouvelles technologies, la réalité virtuelle et l'intelligence artificielle.
Cet ouvrage présente les concepts fondamentaux, les questions principales et les nouvelles perspectives de recherche des études sur la « culture visuelle ». Après avoir retracé les origines de cette notion dans la tradition de l'histoire de l'art et dans les théories de la photographie et du cinéma des premières décennies du XXe siècle, le livre reconstruit le développement récent, au niveau international, des visual culture studies et de la Bildwissenschaft. Les chapitres suivants proposent des outils essentiels pour étudier la dimension techniquement déterminée, mais aussi historiquement et socialement située, des images comme des formes de la vision. Les exemples analysés proviennent de contextes culturels et de périodes historiques très variés et concernent jusqu'à la réalité virtuelle et la réalité augmentée, les nouvelles images produites par l'intelligence artificielle et les nouvelles technologies de machine vision.
« Il est tout à fait évident, écrivait Pierre Francastel en 1937, qu'il ne faut pas confronter Japon et japonisme » : c'est cependant ce qu'on n'a cessé de faire.
À rebours d'une approche néo-positiviste qui voit dans le japonisme le résultat d'une influence, ce livre analyse à nouveaux frais un étonnant phénomène d'innutrition, dont l'histoire matérielle est indissociable du programme conceptuel : levier épistémologique, l'art japonais fonctionna comme un génial indicateur et conforta des convictions antérieures à l'ouverture du Japon. Limiter l'étude du japonisme à la France, loin de rétrécir le sujet, l'élargit en permettant de reconstituer ses capillarités et la circulation des représentations dans un milieu osmotique, frémissant d'échos littéraires et artistiques, à une époque où la presse façonnait les représentations esthétiques et sociales. La constitution d'une « planète japonisme » a occulté les débats internes auxquels répondit la révélation des arts du Japon, qu'on ne peut dissocier de l'acclimatation du préraphaélisme en France et plus généralement du médiévalisme. Écartant les « japonaiseries » (les bibelots et les toiles orientalistes), inversant la logique de l'influence, rendant un rôle moteur aux prétendus influencés, ces pages accompagnées d'une iconographie nouvelle se concentrent sur le japonisme comme « révolution de l'optique », suivant l'heureuse expression de Jules de Goncourt reprise par son frère Edmond, souvent citée mais mal exploitée. D'Ingres à l'Art nouveau dont le japonisme, contrairement aux idées reçues, n'est pas la conclusion mais en partie l'antidote, elles restituent, dans leur cadre discursif, les phases de son évolution au miroir d'une Grèce en plein bouleversement, en associant largement les écrivains et les critiques d'art, ces acteurs essentiels, grands oubliés d'une histoire qui a sous-estimé les réseaux de sociabilité de la culture d'accueil. Si le japonisme devint un phénomène international, c'est bien parce qu'il fut, d'abord, un art français quand Paris, capitale du XIXe siècle, aimantait les imaginations.
Un essai pour rendre compte de l'architectonique d'Aby Warburg (1866-1929) en resituant ses travaux à l'intérieur de son projet d'anthropologie générale de l'expression : Lara Bonneau montre, à partir d'un texte aussi peu connu qu'important, que l'invention de l'iconologie, qui a rendu l'historien de l'art célèbre, était sous-tendue par une ontologie puisant à diverses sources, aussi bien philosophiques, psychologiques et biologiques qu'historiques.
Relire l'oeuvre d'Aby Warburg à la lumière de ses Fragments sur l'expression pourrait sembler téméraire, tant ce texte labyrinthique paraît à première vue obscur, sibyllin. En s'appuyant sur leurs points saillants, sans prétendre à l'exhaustivité, l'auteure entend montrer que les Fragments contiennent in nuce la structure du projet warburgien dans son ensemble.
Derrière l'invention de l'iconologie (et en amont de sa mise en pratique), une quête anthropologique se dessine : appréhender l'humain comme un être essentiellement symbolique et puiser aux racines de la vie biologique et sociale la « montée de sève » qui commande la création artistique.
En mettant l'accent sur le caractère expressif du sujet, Warburg reconduit la détermination de l'être rationnel à son sous-bassement originaire : au mouvement par lequel il s'arrache à la matière pour se donner un espace de pensée (Denkraum). À rebours des interprétations qui font de Warburg un chantre de l'irrationnel et du pathos, l'auteure montre que l'historien de l'art demeure héritier des Lumières et que l'on peut lire son oeuvre à l'aune d'une ambition : celle de comprendre la lutte de l'être humain pour s'orienter dans le cosmos et en soi-même.
« Une étude novatrice, à la fois brillante, rigoureuse et érudite, qui révèle un autre Aby Warburg sous les traits d'un anthropologue, à la lumière de l'un des ses principaux manuscrits inédits récemment publié [...]. La masse des écrits laissés par Aby Warburg après sa mort est aussi monumentale que chaotique, et constitue à ce titre un défi durable pour toute entreprise d'interprétation. C'est ce défi qu'avec une belle témérité entend relever Lara Bonneau dans le livre magnifiquement édité et richement illustré qui paraît aux Presses du réel [...]. Interprétation étonnamment novatrice, donc, que celle que propose cet ouvrage foisonnant, d'une écriture toujours parfaitement claire, qui réussit la prouesse de se montrer infiniment plus claire que l'auteur étudié, et à la lecture de laquelle on se plaît à penser que Warburg lui-même, qui eut tant de mal à formuler ses thèses dans des textes lisibles de tous, n'aurait pas manqué de s'instruire. » Hicham-Stéphane Afeissa, Nonfiction.fr
Aux États-Unis, à la fin des années 1970, des artistes comme Dara Birnbaum, Jack Goldstein, Barbara Kruger, Louise Lawler, Sherrie Levine, Robert Longo, Richard Prince ou Cindy Sherman se mettent à reproduire des images de la publicité et du cinéma. On les nomme Pictures Generation, en référence à l'exposition Pictures et à l'essai éponyme de Douglas Crimp. Le critique affirme alors que la démarche de ces artistes, basée sur la copie, met fin à la course à l'originalité qui guidait l'art jusqu'alors. La Pictures Generation est ainsi érigée en alternative à l'expressivité bien qu'elle copie des images faites pour affecter, fasciner ou susciter le désir.
À cette période, les images des médias de masse passionnent la société : la publicité est critiquée pour sa tendance à la manipulation psychologique ; les théories féministes décortiquent les représentations des femmes dans le cinéma hollywoodien ; la contre-culture détourne les normes et les stéréotypes. Entre questions réflexives sur la pratique de l'art et préoccupations sociales de l'époque, la Pictures Generation s'invente une attitude pour manipuler les passions.
La dimension temporelle de l'image.
Nous avons l'habitude de voir les images d'abord comme des représentations spatiales, des découpes dans l'espace. Et pourtant l'image est autant temps qu'espace. Si elle travaille le temps, en le fixant ou en le mettant en mouvement, le temps travaille aussi l'image, en la transformant, voire en la faisant disparaître. Et ce temps n'est pas unique, il est multiple et entrelacé. Certes l'histoire s'inscrit dans les images, mais celles-ci s'inscrivent aussi toujours dans l'histoire. De même, au temps qu'il faut pour prendre une image répond le temps nécessaire pour la percevoir. Le temps de réception est toujours traversé par le temps collectif des communautés humaines, et donc par le temps du politique.
Les différentes dimensions du temps de l'image sont explorées à partir de treize cas concrets dont l'expérience de la durée éprouvée par Dieter Applet, la diapositive comme cinéma primitif chez les artistes contemporains, la reconstitution de l'histoire des objets spoliés par les Allemands, le réemploi des Archives de la Planète d'Albert Kahn par Chris Marker.
La traduction française du livre majeur de l'anthropologue anglais Alfred Gell, l'une des toutes premières tentatives anthropologiques de définition de l'art, un ouvrage fondamental, tant pour les historiens de l'art que pour les anthropologues, et dont le concept principal (agency, « agentivité ») a depuis longtemps été repris par maints théoriciens.
Plutôt que de penser l'
La pensée de Jacques Rancière a profondément modifié la réflexion contemporaine, en particulier dans sa façon nouvelle d'articuler les rapports entre esthétique et politique. Bien qu'elle ait pris une place grandissante dans son oeuvre, à la faveur des derniers livres notamment, la question des images et de leur pouvoirs n'avait pas encore fait l'objet d'une interrogation spécifique. Une conversation, assortie d'une introduction par Andrea Soto Calderón, afin de mieux cerner en quoi les images sont le site d'une reconfiguration des possibles.
Entre histoire de l'art, psychanalyse et philosophie, Éric Alliez pense à nouveaux frais les questions de l'érotisme et du genre posées par les « machines désirantes » de Marcel Duchamp, en (non-)relation avec Lacan, à travers une iconographie foisonnante et à partir d'une analyse audacieuse et novatrice du rapport entre langage (des jeux de mots aux notes théoriques dans les carnets et écrits duchampiens) et matérialité plastique dans son oeuvre. Un ouvrage essentiel non seulement pour l'histoire de l'art contemporain, offrant de nouvelles façons de naviguer dans l'oeuvre de Duchamp, mais aussi concernant la relation entre le langage, la psychanalyse et les études queer.
Quelques grands fous littéraires s'en mêlant (Brisset, Roussel, Jarry, et... Lacan), ce serait la grande leçon en Duchamp du signe : on ne fait pas d'enfant dans le dos de Duchamp, c'est lui qui vous en fait... après qu'il en eût fait plus d'un dans le dos de l'art, assigné au contemporain d'un champ qui sera du signe du sexe. Avec confusions en tout genre - et de tous les genres.
On pourra dire que ce sont des jeux de mots à la con. Sauf qu'ils sont porteurs de ces (non-)oeuvres qui, pour une part, doivent rester inacceptables comme art pour manifester un « écart » dont la théorie (antiscientifique, antiphilosophique, antipsychanalytique) se montre et se démontre pleinement intégrée à l'oeuvre. Un dispositif opérationnel et spéculatif étourdit la « décision du sens » des mots autant qu'il défie les attraits d'une esthétique pour leur substituer la déterritorialisation la plus crue et la plus sophistiquée de la ritournelle readymade ou readymale de la sexuation.
Nous nous sommes donc exposés dans cet essai en « charnière » qui marie une espèce de roman policier (le R. Mutt signant l'urinoir serait le pseudo en miroir de la déesse Mut d'un Freud américain) à une sorte de science-fiction (avec machines volantes et montres molles redressées par Lacan) faisant si bien « trou » dans le dicible du « champ freudien » que nous y avons trouvé matière à mutologie queer.
Ce qui est, à tout prendre, conforme au « renvoi miroirique » de tous les signes empruntés à grande allure par Duchamp pour les soumettre aux Litanies du chariot en faisant machine désirante d'une Rrose Sélavy aux excentricités innombrables.
C'est aussi que Duchamp pourrait bien être l'Autre de Lacan, même. Ou encore : « a Guest + a Host = a Ghost ».
Le grand retour de la question anthropologique a complètement redessiné les enjeux de la représentation. Un état des lieux.
Ces dernières années ont été le théâtre d'une étonnante résurgence de la question anthropologique. Parmi les propositions les plus débattues, il y a eu celle qui consisterait à penser l'homme non pas comme un animal doué de langage, mais avant tout comme un homo pictor ou encore comme un homo spectator, capable de produire et de reconnaître ses propres images. Si entre-temps, cette idée d'une anthropologie par l'image a permis d'inaugurer des nouveaux domaines de recherche, comme l'anthropologie visuelle, celle-ci relève cependant d'une histoire déjà plus ancienne dont cet ouvrage livre quelques clés. Entre ceux qui considèrent que les images sont le reflet exact de l'homme et ceux qui, au contraire, sont d'avis que les artefacts visuels mènent une vie dont les raisons échappent à la logique anthropocentrique, se dessinent aujourd'hui les lignes de front de ce qui s'apparente à une nouvelle querelle de l'image.
À l'heure où l'industrie culturelle et le système de production entendent capter et détourner à leurs propres fins les stratégies des avant-gardes artistiques, il semble admis que l'art a désormais perdu sa force de résistance. Sous l'espèce d'un design généralisé, le style est en effet devenu un argument de vente, le happening a été récupéré par l'événementiel, et la figure de l'artiste, autrefois marginale, est érigée en modèle d'entreprenariat dans une société qui en appelle à la créativité et à l'autonomie des travailleurs. Pour une frange significative de la sociologie contemporaine, le capitalisme aurait donc entièrement assimilé les formes et les procédés de l'art, ne laissant plus d'autre choix aux artistes que de courtiser des pouvoirs financiers qui monopolisent désormais les leviers de la subversion.
Laurent Buffet poursuit un double objectif. Il retrace tout d'abord les étapes de formation de ce « paradigme sociologique de l'art » afin de le soumettre à un examen critique. Il est frappant de constater que la sociologie, empirique en son principe, se montre pour l'occasion aveugle aux propriétés évolutives de son objet, autrement dit aux pratiques artistiques prises dans le développement de leur propre histoire. En mettant en évidence la richesse et la subtilité de ces pratiques, le livre poursuit par conséquent un second objectif : montrer que, face aux divers processus de captation dans lesquelles l'art se trouve désormais entraîné, celui-ci ne cesse de subvertir les conventions artistiques, en grande partie dépassées, au nom desquelles ces phénomènes s'exercent, creusant ainsi des marges nouvelles et insoupçonnées. Refonder aujourd'hui une théorie critique de la culture suppose de faire apparaître les mutations du potentiel de résistance qui continue à opérer dans les formes contemporaines de l'art.
A l'heure où s'instaure une banalisation de la surveillance, les technologies numériques semblent parfois mises au service d'une politique « antisociale ». La recrudescence des dispositifs de contrôle post-attentats du 11 septembre 2001, l'instauration controversée des lois dites de « sécurité globale », mais aussi l'injonction au confinement ou au couvre-feu suite à l'irruption de la pandémie de covid-19, ont constitué autant de mesures liberticides qui mettent à mal les droits fondamentaux et la vie privée. Sous couvert d'une vigilance partagée, présentée comme un facteur d'amélioration de la vie sociale, les états ont adopté des technologies de plus en plus intrusives : vidéosurveillance, dataveillance, drones, biométrie, géolocalisation, puces RFID, etc. Dans ce contexte, des artistes et des associations citoyennes s'associent pour développer des contre-feu, reprendre le contrôle ou renverser les rôles de surveillants/surveillés. Est-il possible de restituer et garantir une démocratie de la surveillance ? Les citoyens peuvent- ils exercer en ce sens un droit de sousveillance ? L'art peut-il avoir ici un rôle à jouer ?
Angles morts, camouflage, obfuscation, contre-visualités : cet ouvrage propose l'examen de tactiques ou ruses avec l'oeil du pouvoir, doublement esthétiques et politiques, au croisement de l'art et de l'activisme citoyen. A la frontière des « surveillance studies », en prenant appui sur les oeuvres de différents artistes internationaux - Hito Steyerl (Allemagne), Forensic Architecture (Royaume-Uni, Israël), Paolo Cirio (Italie), Thierry Fournier, Samuel Bianchini, Antoine d'Agata, Eléonore Weber (France) - il s'agit d'interroger le rôle technopolitique des « images opératoires » et les pratiques de sousveillance ou de contre-visualité inventées par l'art comme alternative et contre-pouvoir aux machines de vision.
Les images de l'exil, de la fuite, de l'errance et de l'exclusion dans l'histoire de l'art, de la peinture classique à la production la plus contemporaine.
Venues de très loin, certaines images ont durablement façonné notre imaginaire : celles de l'exilé, du réfugié ou encore du migrant, participent de cette structuration et font ainsi partie de notre patrimoine mental. Leur diffusion fut assurée par les contes et les légendes, par les chants, les prières et les comptines mais aussi par des représentations visuelles qui, au fil du temps, en ont précisé les contours. Les religions ont fourni les récits nécessaires pour que s'édifie une puissante iconographie de l'exil. Adam et Ève chassés du Paradis, La Fuite en Égypte, L'Exode, sont autant d'exemples que Duccio, Giotto, Masaccio ou Fra Angelico... vont peindre sur les murs des églises ou des monastères.
Dans la folle accélération qui caractérise les temps modernes, émerge une iconographie considérable de la fuite, de l'errance et de l'exclusion, provoquées par les guerres, les régimes de terreur ou la pénurie. Les peintres et les photographes, de Marc Chagall à Robert Capa, s'emparent du sujet et accueillent dans leurs oeuvres ces « rayés de l'histoire » au destin aussi incertain qu'éprouvant. Les vidéos et les installations de nombreux artistes contemporains interrogent très opportunément aujourd'hui un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Mona Hatoum, Francis Alÿs, Kimsooja, Adrian Paci, Mohamed Bourouissa, Barthélémy Toguo, Zineb Sedira... et bien d'autres encore, produisent des oeuvres riches de sens dans lesquelles les notions de frontières et d'identité font l'objet d'un traitement qui peut fluctuer entre le documentaire et le récit fictionnel et poétique.
Une exploration fascinante des origines utopiques (fouriéristes) et des 130 ans d'histoire tumultueuse du légendaire Chelsea Hotel de New York, la plus grande et la plus ancienne communauté d'artistes et de musiciens au monde.
Sherill Tippins nous raconte l'histoire et la biographie du Chelsea Hotel de New York, à travers le récit captivant des vies que le Chelsea a croisées : de ses premiers jours en tant que communauté coopérative, après sa fondation en 1884 par l'architecte français Philip Hubert, en passant par ses périodes pop, rock et punk.
Le Chelsea n'a cessé d'évoluer à travers les événements et les personnes qu'il a rencontrés. Les deux récessions de 1893 et 1903 ont obligé les propriétaires à transformer l'immeuble d'appartements en hôtel. Des invités inattendus sont arrivés : des survivants du naufrage du Titanic en 1912, des marins et des soldats de la Première Guerre mondiale, des artistes du nouveau Fillmore East au début des années 1970. Même des policiers de la ville y sont passés, au moins deux fois : après la mort de Dylan Thomas en 1953 et le meurtre de Nancy Spungen, la petite amie de Sid Vicious, en 1978.
Il est difficile de citer les noms de nombreux écrivains, poètes, peintres et artistes américains importants qui n'ont pas vécu ou séjourné au Chelsea à un moment donné. De Dylan Thomas à Bob Dylan, de Virgil Thomson à Leonard Cohen, de John Sloan à Christo, le Chelsea ne s'est pas contenté de les héberger, il les a également nourris et inspirés.
Mais le Chelsea reste un mystère : pourquoi et comment cet hôtel est-il devenu la plus grande et la plus ancienne communauté connue d'artistes ? Dans le palais des rêves en est l'histoire intime et fascinante.
Dans cet essai, l'historien de l'art et philosophe Horst Bredekamp démontre l'importance de l'analyse visuelle et le rôle central des images dans le développement de la pensée philosophique de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716). S'appuyant principalement sur le concept leibnizien de monade et sur le Théâtre de la nature et de l'art, élaboré par le philosophe et savant allemand de 1671 jusqu'à sa mort, Bredekamp place Leibniz en précurseur de la théorie de l'image.
Ce livre s'inscrit dans le contexte d'un essai de reconstruction du rôle central des images dans l'émergence de la philosophie moderne à partir de figures marquantes du XVIIe siècle. Ce projet a débuté en 2003 avec l'analyse de la théorie de l'Etat basée sur la politique des images développée dans le Léviathan de Thomas Hobbes. A partir des idées de Leibniz de créer un théâtre de la nature et de l'art ainsi qu'un atlas de la force de l'imagination, le travail se prolonge ici, ce qui pourrait se révéler hautement important pour comprendre sa philosophie. En effet, ces idées sont jusqu'à présent quasiment inconnues de la recherche, alors que Leibniz leur attribuait une place centrale et les a portées avec opiniâtreté et persévérance. Ce qui s'explique tout autant par la diffusion lacunaire et fragmentée des écrits de Leibniz que par une traditionnelle tendance de l'histoire de la philosophie à privilégier l'univers de l'haptique et du visuel chaque fois qu'est visée sa transcendance.
Les récents volumes de l'édition de l'Académie offrent cependant pour la première fois la possibilité de retracer dans le contexte la valeur que Leibniz attache à la main qui tâtonne et qui dessine ainsi qu'à l'oeil curieux et exercé. Avec son projet de Théâtre de la nature et de l'art, il complète non seulement l'incroyable vivacité et diversité de sa pensée et de ses activités, mais leur donne de surcroît un nouveau cadre. La fascination de Leibniz pour le Theatrum naturae et artis pourrait transformer la perception globale de sa philosophie. En effet, tout en creusant le fossé entre calcul et contemplation, entre l'absence de fenêtre de la Monade et la forme physique de ses modes de perception, elle n'en jette pas moins des ponts réconciliateurs.
Le lecteur découvrira ici une étude majeure du champ disciplinaire de la Bildwissenschaft, la « science de l'image », discipline encore méconnue en France mais au centre des débats internationaux sur la théorie de l'image, constituant le versant germanophone des visual studies anglophones.