Broken English (1979) constitue une renaissance et un tournant pour Marianne Faithfull, l'égérie britannique des années 1960. La voix abimée par des années d'excès pose une nouvelle atmosphère tournée vers la décennie des années 1980.
En 1982, paraît Nebraska de Bruce Springsteen. Enregistré à la maison, sur un coin de table, avec une guitare et un harmonica, ce qui ne devait être au départ qu'une maquette préparatoire à un album studio devient bientôt un de ses albums majeurs. Peut-être son plus grand disque ? Nebraska rompt avec l'univers électrisé des précédentes réalisations et contraste avec la rage rock de Born in the USA qui le révélera au très grand public deux ans plus tard.
En 1992, chanter en français pour un artiste qui aspire à faire un disque intransigeant ou introspectif va à l'encontre du bon sens et de la pensée dominante qui règne dans l'univers du rock indépendant. Il se retrouve alors instantanément, quelles que soient les chansons qu'il crée, étiqueté « chanson française ». Les précurseurs qu'ont été Alain Bashung et Jean-Louis Murat atténuent le sentiment d'isolement de Dominique A et le confortent dans ce choix définitif de chanter dans sa langue maternelle. "La Fossette" est un mélange de paresse assumée à certains moments et de volonté esthétique très claire d'un art volontairement brut à d'autres. Avec le recul, ces deux mouvements sont bien plus liés qu'on ne pourrait le croire et ne sont pas, d'ailleurs, sans rappeler une certaine démarche et attitude punk auxquelles Dominique A confesse être très attaché. La « paresse » a toujours été très relative chez lui et ne doit, en aucun cas, être confondue avec l'inactivité ou l'absence d'effort. Elle autorise l'invention.
Pour Serge Gainsbourg, Histoire de Melody Nelson est d'abord une histoire de rencontres : celle amoureuse, de Jane Birkin et celle musicale, de Jean-Claude Vannier. L'une et l'autre ont eu une influence considérable sur cet album. Échec notoire à sa sortie, il n'est devenu disque d'or après que Gainsbourg trouve enfin un succès large avec sa version iconoclaste de la « Marseillaise » version reggae en 1979.
Composé de trois entités dont le traitement diffère (le groupe rock, les éléments symphoniques et la voix de Gainsbourg), le son de l'album est unique dans l'univers pop de ce début de 1971.
Le mixage ne cherche pas à restituer la réalité de l'espace et du volume sonore.
L'idée d'un album-concept, aurait été glissée à Gainsbourg lors d'un déjeuner par le directeur artistique Jean-Claude Desmarty. « Je [lui] ai suggéré d'enregistrer un album-concept, les Anglais faisaient ça avec succès et ça n'existait pas en France. » Romantique et sulfureuse, la foudroyante Histoire d'un dandy amoureux d'une nymphette épouse la forme d'un labyrinthe.
La profusion d'ambiances du « double-blanc », absorbant et réinventant d'infinies nuances de la musique, prouve que « les Beatles ne jouent pas de la pop, ils la possèdent », pour reprendre David Quantick. Le quatuor n'a pas fait que piocher dans une grande variété de styles: il s'approprie chaque territoire musical, du haut de son expérience et de ses instincts artistiques. En ce sens, "The Beatles" est une démonstration de la puissance que prend entre leurs mains la pop, toutes les pop pourrait-on dire, en leur insufflant au passage la qualité de leur songwriting. Plus grand que la somme de ses parties, plus grand qu'une compilation de titres qu'on est parfois tenté de trier, ses quatre faces imposent à la fois l'unité et la pluralité, sont intouchables en même temps qu'interactives et, somme toute, incarnent l'idée d'album. Comme John Lennon le souligne, si Sgt. Pepper's a pour lui son concept ??forcé'' qui le distingue et contribue à sa popularité, "The Beatles" est d'une dimension plus profonde qui fait appel à d'autres parties de l'affect, de l'intellect, de la sensibilité de chacun. Il est un voyage dans l'inconscient, dans les émotions : sexe, peur, colère, humour, enfance, amour, sommeil, éveil, tendresse, violence... Il fallait bien un double-album pour condenser tout ça.
Are You Experienced paraît au Royaume-Uni le 12 mai 1967, à peine trois semaines avant le Sergeant Pepper's des Beatles, qu'il talonne bientôt dans les charts britanniques. À l'époque, Hendrix a déjà engrangé trois tubes, « Hey Joe », « Purple Haze » et « The Wind Cries Mary » ayant atteint le top ten du classement des singles, et ce à peine un an après son arrivée en Angleterre.
Le 16 juin 1986, l'album fut unanimement acclamé par la critique. Classique instantané, imperméable à l'air du temps et aux sons synthétiques de l'époque, il est l'oeuvre d'un groupe ambitieux alors en état de grâce. Johnny Marr, déjà brillant et inspiré sur les opus précédents, élargit sa palette jangle-pop alors que Morrissey y écrit ses textes les plus fondamentaux. Fort d'une carrière prolifique et d'une réputation flatteuse, c'est un groupe animé d'une confiance et d'une ambition énorme qui entre en studio à l'automne 1985. À cette période, l'inspiration de Johnny Marr est telle qu'il écrit chez lui, en un seul après-midi, la musique de "Cemetry Gates", "I Know It's Over" et "Frankly Mister Shankly". Le groupe bouscule la grammaire du rock quand Morrissey en réinvente le lexique et les codes.
En 1975, dans un New-York en surfusion, à l'écart du son des protopunks, surgit un disque culte, un brasier de poésie rock, Horses. Après Janis Joplin, Patti Smith est la pionnière d'un nouveau visage du rock féminin, un rock anguleux, halluciné.
L'objet de ce livre est de donner à voir le processus de création qui aboutira à la Fantaisie militaire. Un album qui concilie simplicité mélodique et complexité harmonique et où sont mêlés des instruments organiques et sons issus de machines.
« Les compositions de Nico semblent des ritournelles, de ces airs éternels qui nous hantent, reconnus avant d'être connus. Leurs infinies répétitions et variations hantent notre esprit, leurs nuances brouillent les lignes entre rêves et souvenirs. "J'ai le sentiment que ma musique sonne préhistorique", avance Nico : en effet, n'entend-on pas, en celle-ci, la pulsation matricielle des vagues, la lente danse de la lune, le chant auroral des oiseaux, le soupir des glaciers qui se fendent, le labeur souterrain de l'écorce de la terre, l'essor tranquille des arbres, le souffle inlassable du vent, le règne absolu de la nuit ? » Le quatrième album de Nico, ex-superstar chez Warhol et brièvement associée au Velvet Underground, précède une longue pause, c'est la fin d'un cycle pour la chanteuse d'origine allemande, un hommage réitéré à son ami Jim Morrison des Doors. C'est à John Cale, multi-instrumentiste et virtuose, possesseur d'une solide formation classique, que revient la responsabilité de fixer sur la bande le cours ondoyant des chansons de Nico et c'est avec celles-ci que le gallois éprouve véritablement le travail d'arrangeur.
Dernier volet de la trilogie glacée, Pornography apparaît comme l'ultime étape d'un processus d'exploration des possibles. L'album est une sorte de « monument à la limite du pays fertile » (Paul Klee), brûlant les toutes dernières cartouches d'un homme, Robert Smith, qui n'aura d'autre solution après cela que la fuite. Non une fuite en avant conduisant à la mort, mais une échappée vers ailleurs. Mise à nue violente et indécente dans les tréfonds de l'âme, plongée en apnée dans les profondeurs abyssales des craintes et tourments les plus sombres, Pornography ne pouvait être qu'un point d'achèvement après quoi il fallait disparaître... ou renaître. Ce petit livre n'a d'autres but que d'explorer les processus de création ayant conduit à ce disque aujourd'hui reconnu comme une pierre angulaire dans la carrière du groupe voire dans l'histoire de la musique pop-rock.
Harvest de Neil Young est l'un de ces étranges albums qui, au moment sa sortie, ne reçut ni l'assentiment de la critique, ni celui de son auteur ! Le public allait pourtant lui faire un accueil triomphal et le propulser au sommet des hit-parades des ventes de l'année 1972. Au fil des décennies, il s'est imposé comme un des albums clef de l'histoire du rock. C'est que, dans ses choix de production et d'instrumentation aussi bien que dans ses textes et dans son travail d'écriture, Neil Young réussit cette prouesse rare d'incarner son époque. Harvest peut s'écouter aussi bien comme une sorte d'acte de décès des utopies de la période hippie que comme l'acte fondateur de cet adult oriented rock qui s'imposera comme l'une des grandes tendances des décennies à venir, sans perdre pour autant cette hargne et ce son que lui envieront les hérauts du grunge.
"In Utero" a souvent été réduit à une note testamentaire du leader de Nirvana, Kurt Cobain, qui exorcise une dernière fois ses démons sur le bûcher grunge avant de lui-même "brûler franchement plutôt que de s'éteindre à petit feu". Ayant pour mission de recouvrer une virginité indé perdue avec le succès planétaire de "Smells Like Teen Spirit", cet album va pourtant bien au-delà d'une simple mise au point.
Hostile et direct, il se déploie comme un fabuleux traité d'anatomie artistique où se croisent une irrépressible sensibilité pop, une intégrité morale punk et l'ambition de dépasser le style que le trio de Seattle avait contribué à créer. De sa conception urgente à son accouchement dans la douleur, l'ultime album de Nirvana est vu ici à travers ses douze titres comme un passionnant bouquet de cris suspendus, frayant avec la souffrance physique et mentale, qui rend coup pour coup par ses brèches de lumière et d'humour noir.
Sans doute le disque le plus tendu et le plus audacieux de Nick Cave. On peut y trouver la beauté brute de "From Her to Eternity", la maturité et la clarté de "Kicking Against the Prick" mais aussi la poésie et la noirceur de "Your Funeral... My Trial".
OK Computer s'est imposé comme un des points culminants de la culture musicale des années 1990. C'est aussi l'album qui fait entrer Radiohead dans le cercle très restreint des musiciens dont on a souligné la capacité de réaliser la synthèse créative de leur époque, celui qui leur a permis d'accéder au statut enviable de groupe « exigeant » adulé par un large public. Avec ce groupe qui a fait de l'expérimentation sonore une de ses marques les plus distinctives, établir la discogonie de OK Computer c'est avant tout s'attarder sur la matière sonore non pas en tant que fin en soi mais dans la perspective d'une analyse des relations étroites qu'elle entretient avec le contenu musical et thématique du disque.
Avec leurs mauvaises manières, leur façon à eux de faire revivre le folklore irlandais, The Pogues ont été des passeurs géniaux. Jouant le jeu de l'instrumentarium et des thèmes traditionnels, le groupe a écrit maintes chansons que beaucoup prennent pour des airs traditionnels irlandais.
Mais les Pogues ont fait leurs classes au milieu des punks et leur gigue carbure à cette énergie-là, généreuse sur scène, mal contrôlée en dehors, avec son lot de frasques, de dentitions incomplètes et de substances trop faciles d'accès pour un groupe en vogue au milieu des années 1980.
Dans la discographie de Depeche Mode, Violator est l'album qui fait l'unanimité. Ce disque referme la décennie 80 avec son atmosphère sombre et électronique comme celui qui l'avait inaugurée : Closer de Joy Division.
DM entendait se renouveler et passer plusieurs caps : négocier le passage dans la nouvelle décennie, confirmer son ancrage sur le marché américain, changer de direction musicale. Pour la première fois se font entendre les instruments acoustiques et les guitares électriques.
Les amateurs de My Bloody Valentine ont trouvé le temps long entre leur première écoute d'Isn't Anything et la sortie de Loveless, en 1991. De studio en studio, Kevin Shields et sa bande auront mis deux années à façonner l'album qui marquera de ses guitares brumeuses et de ses voix lointaines le début des années 1990 et qui continue de hanter tout amateur de distorsions. Dans les pas du Velvet Underground, d'Heldon ou de Suicide, My Boody Valentine a accouché avec un art qui n'appartient qu'à lui, et que l'on copiera, de la bande-son de ses errances et de ses doutes. À tel point que l'influence de Loveless aura sur le groupe un effet paralysant : vingt années passeront avant qu'il n'enregistre un « nouvel » album. Assez de temps pour interroger la nature de ce désenchantement qui menace tout créateur véritable - c'est-à-dire : souvent inquiet.
Début novembre 1992 paraît le premier album d'un groupe du nom de Rage Against The Machine. Il contient dix titres et figure en pochette une image emblématique de la résistance contre l'oppression politique : la photographie de l'immolation du bronze Thích Quang Duc au Vietnam en 1963.
Objets de cultes, de convoitises, de scandales, d'art et de légendes, tout a déjà été dit et raconté sur les pochettes de disque. Tout, sauf ce moment de notre vie auquel l'une d'entre elles est à jamais liée...
Écoutons Nos Pochettes (à la fois site, podcast, et présentement cette anthologie) publie des récits autobiographiques (une love affair, une révolte, un trip, un égo en devenir), témoignages du pouvoir de résonance d'une pochette dans nos cortex émotionnels...
Il aura fallu trois décennies à Five Leaves Left pour être redécouvert par un large public, suscitant un véritable phénomène de culte autour de Nick Drake, disparu quatre ans après l'achèvement de cet album, l'un des plus beaux du Folk britannique.
Avec Rock Bottom, Robert Wyatt se démarque des groupes dans lesquels il a officié comme batteur avant l'accident qui le laisse paralysé, Soft Machine ou Matching Mole. Il renoue avec la candeur des mélodies, mais fuit l'évidence avec malice.
« Tranchant, grinçant, musculeux, physique sans oublier d'être cérébral, Black and White (1978) est probablement l'oeuvre la plus dure des auteurs de Golden Brown. Regorgeant d'images militaires, transpirant par tous ses sillons la paranoïa, l'angoisse de la guerre froide, des dérives technologiques et du cataclysme nucléaire, cet album aurait tout aussi bien pu s'appeler The Apocalypse According to The Stranglers. Pas de rédemption à l'horizon de ses quarante minutes, mais une salve de chansons mal lunées que le groupe lance au visage d'une Europe en crise, spécialement d'une Angleterre déclinante, saisie par la nausée. L'un des premiers vrais disques post-punk selon certains, Black and White vous fera sans doute éprouver l'étrange volupté d'être saisi à la gorge par la poigne de fer des Étrangleurs, les 'Dirty Harry' de la new wave ; un groupe intimidant au parcours tortueux, souvent victime de sa réputation sulfureuse mais dont l'oeuvre stupéfie par sa créativité sans relâche. »
Dry est le premier album studio de la compositrice-interprète britannique PJ Harvey, sorti en 1992. « Dry fut ma première chance de faire un disque et je pensais que ce serait ma dernière. Alors j'ai mis tout ce que j'avais dans le disque. C'était un disque très extrême » (PJ Harvey). L'album est un recueil de chansons affûtées, un peu monomaniaques, charpentées par des guitares querelleuses.