Assise dans sa poussette, la petite Anne, âgée de trois ans, regarde le biscuit salé que vient de lui donner sa mère. S'ensuit un lent, un poignant voyage dans le temps: du noir de la mine de plomb surgissent des visages à la fois flous et lumineux, des conciliabules silencieux, des scènes mystérieuses observées sous le manteau, des intérieurs d'une autre époque, des corps sombres aux poses statiques et néanmoins si parlantes: ici, une enfant à laquelle on ôte un grain de beauté, là une mère qui console sa fille, plus loin deux femmes qui se confient dans la pénombre d'une cuisine. Et puis des rues de Paris, des cours, des portes d'immeubles, une route de grande banlieue... Un passé qui redevient terriblement présent. Un passé hanté, dont les fantômes, un à un, font tomber les masques, malgré le silence qui l'écrase comme une chappe de plomb: patiemment, obstinément, Anne Gorouben lutte contre ce silence terrorisant, reconstituant bribes par bribes, de témoignages en témoignages, l'histoire familiale, marquée par la guerre, la peur, la fuite, la déportation.
Image après image, phrase après phrase, l'histoire se formule, se narre, et, par l'alchimie des ombres et de la lumière, se raconte enfin. C'est cette reconstruction, enrichie des propres souvenirs d'enfance de l'auteure, que retrace cet ouvrage, à travers des mots simples, pudiques, merveilleusement justes, ainsi que cent cinquante-deux dessins époustouflants, à nul autre pareils, qui, jouant magistralement de l'ombre et de la lumière, du détail et du flou, montrent ce que les yeux refusent de voir et disent ce que les mots s'appliquent à taire.
Anne Gorouben est née en 1959 à Paris. Diplômée de l'École nationale supérieure des arts décoratifs (atelier de Zao Wou Ki), elle pratique d'abord la peinture avant de se consacrer entièrement au dessin. Naturellement, son oeuvre s'est organisée par cycles, d'abord liés à des séjours dans des villes, Berlin, Dresde, Prague, (Le poids des silences, 1989-1993), La Rochelle (Infinis, 1995-1995), Odessa (La maison Odessa, 1995-1998), New York ou encore Marseille, puis à des rencontres faites au sein de la Jungle de Calais (Dans la Jungle des hommes, portraits des habitants de la Jungle de Calais, 2015-2016) ou dans la rue avec des sans-abri (Des hommes qui dorment, 2018), enfin à des sujets comme l'enfance (Seigneur, sauve les petits enfants! 2020-2021) ou Marylin Monroe (Nous, Marilyn, 2019-2021). En 2003, elle a présenté un hommage à Paul Celan au musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme de Paris; dès lors, les figures de grands poètes et écrivains, notamment Franz Kafka, inspirent régulièrement son oeuvre. Elle accumule également les carnets, bruissant de bribes de vie saisies dans les cafés, ses lieux de créations privilégiés après l'atelier.
Anne Gorouben, diplômée de l'École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, vit et travaille à Paris.
Elle expose régulièrement ses peintures et ses dessins en France et à l'étranger. Elle a notamment présenté
un hommage à Paul Célan en 2003 au Musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris, et le cycle « D'Odessa à
Odessa » dans différents centres d'Art en France et en Ukraine. Ses oeuvres sont présentes dans des collections
publiques et privées.
Son dernier livre a paru en 2011 chez Buchet-Chastel : 100 boulevard du Montparnasse collection « Les Cahiers
dessinés »
Son site d'artiste : http://www.annegorouben.com/