La censure sur les oeuvres d'art existe depuis des siècles, elle fut d'abord l'apanage de l'Eglise, grande spécialiste de la mise à l'index et des autodafés, qui livra une véritable guerre contre les images, censurant ce qui s'éloignait des canons officiels. On pouvait penser qu'après la révolution de 1789, la censure allait reculer devant la raison.
Mais dès 1793 un décret propose la destruction des gisants de Saint-Denis et une vague de vandalisme détruit de nombreux chefs d'oeuvre du patrimoine. Au XIXe siècle, la censure est surtout politique et s'attaque à la presse, notamment ses illustrateurs tel Daumier. La liste des artistes frappés par la censure religieuse ou étatique est longue : Courbet, Manet, Munch, Schiele, Malévitch, Picasso, Dali...
Fer de lance de la paranoïa dans les régimes totalitaires, la censure n'existe plus officiellement dans les pays démocratiques, mais elle emprunte des voies plus insidieuses : pressions contre les musées, dénonciations calomnieuses, interdictions à certaines catégories de public.
Les artistes n'ont pas fini de se battre contre les hérauts de l'ordre moral et les conservateurs de tous ordres. Car la censure pose la question des limites de l'art : que peut-on ou que doit-on représenter ? pour quel public ? Jusqu'où l'art peut-il aller trop loin ?
A travers un choix d'un cinquantaine de cas de censure, de la Renaissance à nos jours, Thomas Schlesser, historien de l'art et romancier, invite à redécouvrir des chefs d'oeuvre méconnus, des tableaux scandaleux, des gravures interdites, des films censurés.
Du procès de Véronèse aux photographies récemment censurées de Larry Clark, en passant par l'iconoclasme de la Réforme, les scandales Courbet et Manet, l'emprisonnement de Daumier ou d'Egon Schiele ou l'exposition d'art dégénéré organisée par les Nazis, l'auteur raconte en détails, à l'aide d'anecdotes, de documents et de commentaires détaillés, l'histoire de ces oeuvres, qui ont affronté les pouvoirs en place et qui ont témoigné de la progression de la liberté en art.
Raconter les épisodes de censure, c'est en effet voir tout à la fois ce qu'on attend et ce que l'on craint de la création, c'est surtout mesurer le pouvoir des images et le désir de contrôle que l'autorité cherche à exercer sur elle. C'est donc raconter une histoire des consciences.