C'est une analyse rigoureuse, sans concessions et sans idéologie que nous propose ici Philippe Urfalino, en véritable entomologiste de la chose médicale. Et ce à l'heure où l'opinion est des plus réticentes à admettre qu'il puisse demeurer des facteurs de risques et des germes potentiels de crises épidémiologiques ou sanitaires. Nous assistons aujourd'hui à de virulentes charges de la société contre ce qui, à ses yeux, symbolise la collusion du pouvoir, de l'argent et du cynisme : les industries pharmaceutiques. Dégageant de substantiels profits mais laissant intacte la misère du monde, elles deviennent à la fois les agents immoraux d'un monde écartelé entre ses riches et ses pauvres et les agents de propagation de médicaments dont on ne sait au juste à quoi ils servent... Quand on ne les soupçonne pas de créer par stratégie les maladies qu'ils soigneront ensuite! Faut-il les plaindre ? Assurément non. Mais aller y voir de plus près en compagnie de Philippe Urfalino pour démêler le fantasme de la réalité. Pénétrer plus subtilement les arcanes de la recherche, du développement, de l'homologation, de la commercialisation puis de la diffusion des médicaments est plus que jamais utile. Tel est l'enjeu de cet entretien où l'auteur se refuse de céder aux séductions des théories de la domination (qui font de la dépression, par exemple, une pure et simple création des grands labos) ; tout comme il ne concède rien aux satisfecit béats d'une industrie qui ne déteste pas le cynisme et les blockbusters médicamenteux. C'est à ce prix que nous évaluerons mieux les travers et les manques d'une industrie qui a toujours été laissée curieusement libre par les pouvoirs publics, pourtant traditionnellement soucieux de la santé, un paradoxe qui ne cesse pas de troubler.